L'histoire :
Dans Histoires de famille, deux frères enfournent un chat vivant dans un micro-ondes puis jettent le cadavre aux toilettes...Dans Les enfants de l'invertébré, des scientifiques réalisent des expériences sur des créatures mi-hommes mi-larves avant que des voleurs masqués n'enlèvent une jeune mutante...Plus tard, un loup dévorera une femme, un pape cynique mangera des spaghettis aux vers et ordonnera de prendre l'argent des pauvres pour préparer un navire et un équipage...Perversions, cruauté, toxicomanie et violence balisent un monde primitif peuplé d'extraterrestres, de mutants, d'ouvriers qui écossent des épis et de rois barbares...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Carmin d'Eamon Espey se présente comme un recueil de contes, non pas merveilleux mais cauchemardesques, sondant les symptômes d'un malaise contemporain. Du coup, la modernité et ses avatars en prennent pour leur grade : la religiosité incarné par un pape cynique et belliqueux, le travail responsable de l'aliénation, les critères du Bien et du Mal constamment revisités et inversés. C'est trash et sans détour. Car si la charge est totalement sincère, Eamon Espey a l'intelligence de le faire sans se prendre tout à fait au sérieux via un humour noir sans pitié qui fait souvent mouche. Pour peu que le lecteur arrive à suivre ce maelström délirant, foutraque et hallucinatoire, qui se frotte aux mythes antiques et ancestraux symbolisés ici par le Styx ou l'île d'Egine. Graphiquement, si le trait est sec et volontiers symbolique, il fonctionne par association improbable d'éléments disparates empruntés à l'iconographie hellène ou aztèque et un visuel plus contemporain, sommaire et direct. En découle une imagerie naïve mais porteuse de sens et en tout cas saisissante. Voir à ce titre les contes IV et V, muets mais d'une puissance graphique toute spirituelle et mystique. Bienvenue donc dans un cauchemar éveillé doté d'une force animale primitive, alimentant le malaise et la prophétie d'une apocalypse inéluctable, dont l'ambition première est de fouiller la folie et la bizarrerie du monde noyées dans une modernité à l'atmosphère inquiétante. Alors mieux vaut éviter d'y chercher une quelconque cohérence qui n'existe d'ailleurs pas, Eamon Espey n'est pas là pour comprendre le monde mais pour en révéler sa noirceur et sa monstruosité, ne reniant jamais pour cela une imagerie violente et destructrice, jamais tout à fait sérieuse non plus. On vous aura prévenu...