L'histoire :
Tom Sloan est au bout du rouleau. Il faut dire que 20 années d'excès quotidiens avec la boisson l'ont bien aidé. Le voici errant dans la ville, un bouteille de whiskey canadien à la main. C'est elle sa complice, sa dernière complice, car il a décidé d'en finir en se jetant d'un pont. Un ou deux coups de klaxon et quelques injures, le temps de traverser la voie et le voilà qui surplombe le vide. C'est alors qu'un vieil homme s'arrête et lui demande de parler quelques minutes. Tom ne peut pas le savoir, mais il s'agit d'un ange. Le dialogue s'instaure, ou plus exactement, s'en suit un monologue. Tom revoit sa vie défiler : un père alcoolique, une mère qui délaisse ses enfants après le divorce, une sœur adorable qu'il a toujours négligée, quand il ne la maltraitait pas... et puis une cheville brisée qui a anéanti tout espoir de carrière pro dans le soccer. Et la boisson, toujours la boisson, encore la boisson. Jusqu'à être seul, désespérément seul. L'ange l'écoute et s'en va, le laissant libre de son choix, mais la dernière vision de Tom n'a rien d'apaisant : un monstre drapé de rouge et de noir, surgissant de l'obscurité, lui explique que son âme est perdue...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Qu'on l'aime ou pas, Spawn est certainement le seul super-héros d'importance qui soit contemporain et qui ait échappé aux deux rouleaux compresseurs que sont Marvel et D.C, autrement dit qui leur ait survécu. C'est un peu plus de 10 ans après son #1 que McFarlane, voyant là une opportunité d'étoffer l'univers de son rejeton, confie à Paul Jenkins le soin d'écrire des aventures qui s'éloignent singulièrement de la série-mère. Le concept est assez simple : ancrer le personnage dans le quotidien de quidams, plus tordus les uns que les autres. Ici, il ne sera pas question de se tanner avec quelques démons ou au contraire des créatures divines chargées de l'éliminer. On ne trouvera pas non plus Sam et Twitch ni encore le Violator... Non, ici, Spawn vient épouser la figure du croque-mitaine, à ceci près qu'il ne s'en prend évidemment pas aux enfants mais aux hommes qui ont posé des actes qu'il va leur falloir désormais assumer. Les quatre récits courts que contient cet album sont réussis. On commence par un alcoolique qui est au bord du suicide, qu'il n'évitera pas, malgré l'intervention d'un ange. Le ton est posé : c'est noir, froid et aussi implacable que la grande faucheuse elle-même. S'ensuit l'histoire d'un type qui a vendu son âme au diable. Et quand il faut payer la note, c'est Spawn qui le harcèle jusqu'à ce que le contrat soit rempli. Mais Spawn n'est pas qu'un monstre vengeur, comme le montre la troisième histoire, la plus réussie et qui s'avère particulièrement émouvante. Ici, il vient pacifier une femme qui fut une enfant violentée et qui reste hantée par son bourreau... Enfin, la dernière histoire épouse le registre de l'horreur car si elle singe au départ les sectes et renvoie à demi-mots à la Dianétique, elle nous réserve une sombre fin. Pour ce qui est du dessin, les planches de Dwayne Turner sont efficaces et tirées vers le haut par une colorisation de haute volée. Voici donc un bon spin-off, qui, par définition, n'est pas fondamental, mais qui plaira aux fans du Rejeton des Enfers parce qu'il lui amène une dimension fondamentale.