L'histoire :
Depuis que les extraterrestres Tralfamadoriens l’ont enlevé et qu’ils lui ont expliqué le fonctionnement du temps, Billy Pilgrim se souvient de sa vie, vit le moment présent et anticipe tout ce qui va lui arriver, tout ça en même temps et à chaque instant. Il peut tout aussi bien « zapper » dans la peau de l’enfant qu’il était dans les années 30, que soldat américain immergé en pleine bataille des Ardennes en 1944, que patient interné durablement pour son choc post-traumatique dans un hôpital psychiatrique, que médecin orthoptiste qui donne des conférences, ou encore unique survivant d’un crash d’avion en 1968. Et ce « pouvoir » qui ne lui sert à rien ne l’empêchera pas de mourir en 1976, à l’âge de 54 ans. Au cours de ce destin tourmenté, il va faire des rencontres et connaîtra forcément par avance le devenir à court ou moyen terme de chacun de ses contacts. Comme par exemple ce jour où il se retrouve à pied, sans doudoune, à travers les congères de neige des Ardennes en compagnie de deux éclaireurs et de ce connard de Roland Weary. Passionné par la violence, Weary lui racontait sa version de la mort la plus douloureuse, pendant que Pilgrim se pelait les miches. Ils étaient alors passés dans la ligne de mire de snipers allemands. Les deux éclaireurs n’en avaient plus que pour quelques minutes d’existence…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quel fascinant récit que celui de cette adaptation du roman de Kurt Vonnegut, Abattoir 5, par le scénariste canadien Ryan North et le dessinateur espagnol Albert Monteys. Il s’agit tout à la fois d’une réflexion sur notre référentiel au temps qui passe, d’une aventure de science-fiction, d’une peinture cynique sur les horreurs de la guerre, et tout ça avec humour et légèreté. Un OVNI ! L’évènement au climax du récit se trouve être le bombardement radical et meurtrier (35 000 morts) de la ville allemande de Dresde, du 13 au 15 février 1945, par les aviations américaine et britannique. C’est en se réfugiant dans les souterrains de l’abattoir n°5 de la ville que le personnage central de Billy Pilgrim y survit. Mais ce « héros » subit aussi une expérience extraterrestre qui lui donne une autre perspective sur le déroulement du temps et lui permet de zapper sans cesse à chaque instant de sa vie. Car voilà, accrochez-vous à votre trotteuse, on va vous faire une révélation stupéfiante : chaque instant du temps se déroule au même moment. Cette idée de génie se trouve génialement utilisée par le montage séquentiel de cette BD. Ryan North use et abuse des flashbacks et des flashforwards, au point de faire disparaître totalement le repère de la trame principale… et ça n’est pas plus grave que ça, puisqu’on vous dit que le temps n’existe pas ! Les séquences se mélangent, s’empilent, apportant chacune des éléments de compréhension de cette double réflexion antimilitariste et métaphysique. Etant donné que le dessin semi-réaliste et encré, proche de la ligne claire, de Monteys est totalement abouti, soigné, proportionné, décoré et que les partis-pris de découpage et de mise en scène sont astucieux, Abattoir 5 est une pépite à mettre de toute urgence au cœur de vos radars. Hier ou demain, mais tout de suite !