L'histoire :
Les élèves américains n’aiment pas l’Histoire. Plus ils étudient cette matière, moins ils semblent la comprendre. Pourquoi ? Parce que les manuels scolaires, qui s'apparentent à d'indigestes pavés de près de 1000 pages, leur offrent un récit lisse et héroïque, vidant le passé de sa complexité. Et de sa réalité... James W. Lowen détricote tout cela en analysant comment ces ouvrages perpétuent une vision simpliste et nationaliste, et ne remettent jamais en question les mythes fondateurs des États-Unis. L’auteur commence par démonter l'héroïsation et tout ce qui va avec. Commençons par l'emblématique Helen Keller, réduite à son handicap, la surdité et la cécité. En réalité, Helen Keller est bien plus que cela... loin de n’être qu’un symbole de dépassement du handicap, était une militante socialiste, engagée auprès des travailleurs et des femmes. En 1913, Helen Keller fut invitée d'honneur lors d'une marche sur le Capitole visant à exiger le droit de vote des femmes. Et Christophe Colomb, parlons-en ! Il ne cherchait pas forcément à trouver la route des Indes, mais de conquérir et de dominer avec la religion, comme justification. À travers ces exemples, Une histoire critique des États-Unis démontre que l’Histoire enseignée est souvent un outil idéologique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Loin d’un simple réquisitoire contre l’enseignement de l’Histoire, Une histoire critique des États-Unis est une réflexion essentielle sur la Mémoire et l’éducation. L'ouvrage de James W. Loewen, best-seller, est ici adapté en bande dessinée et nous interroge en profondeur sur la manière dont l’Histoire est enseignée aux États-Unis. Avec une plume fluide et souvent teintée d’ironie, il démonte les mythes fondateurs et révèle les angles morts des récits officiels. Mais au-delà de cette critique des manuels scolaires, Une histoire critique des États-Unis nous invite surtout à développer un regard critique en général sur la façon dont les romans nationaux sont construits et transmis. Ce questionnement résonne particulièrement aujourd’hui, à l’ère des fake news et de la manipulation médiatique. L’exemple de la présidence de Donald Trump en est une illustration frappante : élu en grande partie grâce à la propagation massive de fausses informations, il incarne cette capacité des récits historiques et politiques à façonner l’opinion. Loewen explore cette idée en passant au crible de nombreuses figures historiques, de Christophe Colomb à Abraham Lincoln, en montrant comment l’histoire américaine s’est bâtie sur une gestion de l’information souvent orientée. On pense au film Les Hommes du président, qui raconte comment le Watergate a conduit à la chute de Nixon, illustrant que les États-Unis restent l’un des rares pays où un président a été destitué pour manipulation politique. Le livre est dense, riche en informations, parfois exigeant, tant il fourmille de détails. Il est accompagné d’un dessin en noir et blanc signé Nate Powell, un trait sobre et illustratif, qui soutient le propos plus qu’il ne le sublime. Peu de bulles, beaucoup de texte : l’image sert ici d’appui au récit plutôt que d’espace narratif à part entière. On ressort de cette lecture avec une certitude : plus que jamais, nous avons besoin d’un esprit critique. L’histoire ne doit pas être un simple récit figé, mais un outil pour mieux comprendre le présent et éviter de répéter les erreurs du passé.