L'histoire :
Dope Rider est un junkie un peu spécial, amateur invétéré de bonne beuh. Mais ce n'est pas tout : il est Ranger de son état, porte Stetson et habits de western, et chevauche un cheval squelette dans un monde que lui seul peut apparemment voir. Le truc louche, c'est que lui-même est un squelette. On va le suivre dans ses voyages surréalistes, liés aux fumeries régulières qu'il s'autorise, car il a la charge sacrée de tester la meilleure herbe de ce monde ici bas et dans le désert jouxtant Denver (Colorado), ville chère à son cœur. A la toute fin, il nous révèle ses origines, quoique la réalité n’est sans doute pas si « évidente »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tenter de résumer Dope Rider est assez iconoclaste. On se reportera donc utilement au précédent volume, publié par le même éditeur en 2017, agrémenté d’une belle postface (En attendant l'Apocalypse). Précisons juste que cet anti héros créé en 1974 dans la revue Harpoon puis développé ensuite dans HighTimes jusqu'en 1982, a été remis au goût du jour 30 ans plus tard suite au retour de son créateur dans l'industrie du comics et à l'occasion de nouveaux épisodes du Bus, autre titre phare. Ces nouveaux épisodes du squelette le plus sympa du «Hashiverse» se différencient de leurs ainés par leur taille : une seule page verticale, tel un strip qui aurait trop fumé de la Marie-Jeanne. On deale donc ici avec du gag concis, efficace, jouant, on le sait, sur le non sens, ou la «surréalité», pour ne pas dire le surréalisme, mais aussi sur la permanence de situations, décors ou personnages, qui permettent de bien s'immerger dans l'univers du Rider dopé. Lui à cheval, en voiture ou moto squelette, est accompagné de son loyal (mais assez inutile) tatou Tatty pensant. Il échange régulièrement avec le chef, un vieil indien taciturne, ou avec la délicieuse Calamity « Mary » Jeanne, danseuse de bar mais surtout compagne de fumette. Tout cela dans une nonchalance typique de la «culture verte», et avec quelques clins d'œil bien sentis à la pop culture (Ed's garage, en hommage au Joe's Garage de Zappa ?, Le Surfs UP des Beach Boys, Beuh Girl et la Beuhmobile, le Yellow submariplane, la zone 51 …). On est béatement embarqué dans cette illogique et rigolote dimension, nous demandant comment il est encore possible d'arriver à franchir les portes de ce genre de strips peu communs. Peut-être parce que le grand talent de l'artiste Paul Kirchner, dont le dessin au graphisme raffiné et merveilleusement suave de ses relents psychédéliques, est tout entier présent ici, se jouant avec humour de nos vies étriquées quotidiennes période Covid confinée. Lire Dope Rider en 2021 rappelle que la liberté est avant tout une question d'état d'esprit. Merci monsieur Kirchner pour cette leçon de cool, délivrant un pur et simple... bonheur.