L'histoire :
Sous la Renaissance, un miséreux appelé Jheronimus est réveillé par l’évêque d’une cathédrale à coups de crosse. Ce soûlard avait carrément transformé l’autel en paillasse. Jheronimus s’en va alors au marché, où il échoue à dérober une pastèque. Voyant un gamin qui traîne derrière lui une oie à roulettes, il imagine qu’il pourra revendre ce jouet un bon prix. Alors Jheronimus pique le jouet à l’enfant, qui pleure son oie appelée « Bosch », tandis que le malfaisant se sauve à toutes jambes. Mais cet idiot glisse dans une flaque et se retrouve à dévaler une rue pentue sur le dos de l’oie à roulettes… et il percute très violemment un mur. A ce moment précis, il se retrouve dans le noir. Il comprend qu’il est mort lorsqu’il se retrouve devant un immense portail en pierres, pourvu d’une guérite où il est noté : « Enfer, entrée ». Et derrière, ce n’est que désolation, lacs de lave, volcans en feu et diablotins pourvus de fourches pointues. Un diable bedonnant le fouille et jette sa fiole d’alcool : quand on descend dans les enfers, on est obligé d’abandonner toute espérance. Dès lors, la condition de Jheronimus sera infâme. Il sera brimé, maltraité, torturé, souillé de merde ou de morve. Il sera constamment le jouet des diables qui vivent là et se résignera à ce destin définitif…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Tanibis sont spécialisées dans les ouvrages plus ou moins ésotériques, ou métaphysiques, en général un peu barrés et très graphiques. Ce recueil de strips réalisés par l’américain Paul Kirchner obéit pleinement à cette vocation. Les précédents ouvrages de l’auteur sont un indice quant à l’orientation « décalée » du propos : Le bus, le Bus 2 et En attendant l’apocalypse. Jetez-y un œil, ça vaut le détour, vraiment, surtout en raison des perspectives visuelles qu’ils offrent. De tous ceux-là, Jheronimus et Bosch est peut être son ouvrage le plus cohérent / lisible du grand-public. Car ici, le personnage mesquin de Jheronimus se retrouve logiquement aux enfers – c’est tout même bien mérité, lorsqu’on pique le jouet d’un enfant ! Le décorum dantesque, au sens premier du terme, répond aux fondamentaux basiques de la culture judéo-chrétienne : c'est chaud, triste et chiant. Et il y subit méthodiquement une grosse brimade par page, en un gag cruel souvent absurde. Certes, ça n’est donc pas précisément « rigolo ». Il faut plus se réjouir ici de l’inventivité avec laquelle Kirchner malmène son personnage, au travers des gags en gaufriers réguliers, dans la grande tradition des strip-comics anglo-saxons muets. Ici, Jheronimus est le souffre-douleur stoïque (en même temps, il n’a guère le choix) d’une palanquée de diables mesquins qui lui chient dessus, le frappent, le brûlent, l’écartèlent, le transpercent et pire que tout : ils s’amusent à lui faire espérer une sortie… qui n’interviendra jamais. Or étant donné qu’on se trouve aux enfers, tous les déboires fantastiques et/ou illogiques sont possibles (ex : l’escalier façon Chute d’eau de Escher)… Pas si loin de Game over de Midam en quelque sorte, le registre jeunesse en moins.