L'histoire :
1996 : une série de crises mondiales provoque un éclatement géopolitique et la migration du gouvernement américain sur Mars. La Lune est aussi colonisée et un complexe multimédia généralisé, le Plex, inonde la société de messages publicitaires et de séries violentes avec messages subliminaux, tandis que les plus grosses sociétés mettent en place un système de Mall, de grandes surfaces hyperconnectées. Mais cette société de consommation à outrance hyperconnectée fait naître ses bandes de délinquants, sortant régulièrement les soirs à moto. Les Plexus Rangers ont été créés entre autre afin de les contrer. 2031 : Ruben Flagg, grand et beau gosse, acteur sortant d'une série érotico-thriller : Mark Thrust, Sexus Ranger, diffusée à grande échelle depuis Mars, arrive sur Terre pour endosser à son tour l'uniforme de cette brigade. Il va néanmoins assez vite se rendre compte du niveau de corruption de sa hiérarchie, et de l'ensemble de cette nouvelle organisation mondiale. Usant de son charme naturel, de son intelligence et de quelques alliés inattendus, il va dés lors s'engager dans la contre offensive, d'autant plus que les néo nazis guettent...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Urban comics frappent fort avec ce gros volume d'automne, repoussé cause Covid19 depuis le début d'année. Il aurait été dommage d'être privé de cette première intégrale d'un comics pourtant significatif, puisque créé par un auteur faisant partie des grands noms du médium depuis les années 70. Howard Chaykin a en effet débuté sa carrière à la fin des années 60, comme assistant de Gil Kane, entouré des grands Wally Wood, Gray Morrow ou encore Neal Adams. Son adaptation comics du film Star Wars en 1977 lui ouvre les portes de la reconnaissance. De formation graphiste et réalisant des illustrations publicitaires à l'aube des années 80, après quelques romans graphiques repoussant les limites du design, il est sollicité par Mike Gold et Len Kevin, fondateurs de la nouvelle maison d'édition indépendante First, pour une création où il a carte blanche. Nous sommes en effet en 1983 et un vent nouveau souffle dans le milieu du comics, à côté des Big Two. Americain Flagg est créé avec l'aide Ken Bruzenak, lettreur incroyable, révolutionnant la mise en page, tandis que Lynn Varley met en couleur les trois premiers numéros, elle qui vient de terminer la série Ronin de Frank Miller, lancée par ailleurs sur le cultissime Dark Knight Returns. American Flagg peut cependant aussi se mesurer à l'aune de ses contemporains Watchmen d'Alan Moore et Dave Gibbons, ou les épisodes du Judge Dredd, diffusés depuis 1977 dans la revue britannique 2000AD. Car ce récit empruntant autant à la science-fiction qu'au thriller met fortement en avant les scène d'action, de baston diverses, dont celles avec les Gogangs motorisés, entre autre. Des scènes dans le PlexMall ou en extérieur, qui font un peu penser aux punks dégénérés matés par le plus fameux des Juges. Howard Chaykyn, créateur quelques années plus tard du roman graphique noir érotique Black Kiss, prend aussi un malin plaisir à insérer une forte dose de scènes charnelles hot entre notre playboy volontaire et tout ce que Chicago ou ses environs compte de bimbos sortables. Il faut dire qu'il aimante la gente féminine le Reuben, et son sex appeal n'a d'égal que sa faculté à organiser sa mainmise sur Le Plex. Il faut voir comment il manie aussi bien le SnowBall, l'arme automatique ou la diplomatie, même avec Raul, le chat roux intelligent, cet associé devenant guerrier puis star de télévision. Il y a effectivement du Dredd chez Reuben Flagg, mais avec une belle dose de Watchmen, et ce mix scénaristique vaut aussi pour le dessin, racé, très typé années 80, sublimé par les trames caractéristiques de Chaykin, plus le lettrage de Bruzenak, partie intégrante de la mise en page, et tellement copié depuis. La critique politique n'est pas en reste, avec un florilège de coups foireux possibles, au niveau municipal, policier, militaire, et la parité à ce niveau là est entièrement respectée, l'auteur ne tombant pas dans un machisme de base. Ce premier volume d'American Flagg tient toutes ses promesses, épisodes bonus compris, dessinés par James Sherman, Rick Burchett et Pat Broderick. Le fait que celui-ci soit entouré des écrits de Michael Charbon, des postfaces de Lim Lee et Warren Ellis, en sus de l'introduction de l'éditeur, d'une biographie, de toutes les couvertures et d'une galerie d'illustrations rend une copie parfaite, sans oublier la traduction de Laurent Quessi, réalisée aux petits oignons...Une série culte, on sait maintenant pourquoi.