L'histoire :
Washington DC. La Maison Blanche, dans un des bureaux présidentiels. L'homme à la tête de la première puissance mondiale s'entretient avec le sénateur Albert Keene, qui supervise les renseignements collectés par une agence. Après quelques phrases échangées, Keene a affaire avec un des conseillers présidentiels. Ce dernier l'informe des doutes qui pèsent sur son efficacité et lui rappelle les enjeux colossaux liés à ses responsabilités. C'est bien simple, compte tenu des moyens quasi-illimités dont il dispose, c'est une obligation de résultat qu'on attend de l'agence. Tolérance zéro. C'est à dire que les victimes d'attentats doivent se chiffrer à zéro. Il en va de la côte de popularité du Président, des sondages d'intention de vote, bref, ni plus ni moins que de sa réélection. Son mandat ne peut pas être assimilé à l'échec de la protection du peuple américain. En quarante ans de carrière, personne n'a jamais parlé ainsi au vieux sénateur, mais il accepte la règle du jeu. Dans le même temps, Laura Regan et Ari Musa, deux docteurs experts en virologie, se rendent à un congrès qui se tient à Atlanta. Ils sont loin de se douter que l'un d'entre-eux va perdre la vie et l'autre entamer une course poursuite contre un ennemi indicible et qui agit dans l'ombre...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
«Ceux qui sont prêts à abandonner une liberté fondamentale pour obtenir temporairement un peu de sécurité ne méritent ni la liberté, ni la sécurité». C'est avec cette citation de Benjamin Franklin qu'on entame la lecture de ce one-shot. L'excellente préface de Robert Vendetti (Clones) ne fait alors que confirmer ce que l'on pressent déjà : ce thriller ne sera pas ordinaire. Les attentats du 11 septembre 2001 ont tellement monopolisé les médias qu'il ne faudrait pas que nous, les européens, en sous-estimions l'impact auprès des créateurs d'histoires, romanciers comme scénaristes des comics ou de cinéma américains. En trois planches, on trempe dans l'ambiance héritée du Patriot Act et du besoin de sécurité érigé en principe numéro un. Tout aussi vite, l'antagonisme pointe entre la liberté et le fantasme du désir de contrôle total des informations, grâce à la traçabilité que permettent les moyens de surveillance modernes. La tension s'installe d'entrée et elle ne retombera jamais. A l'autre bout des USA, c'est le parcours de deux scientifiques qui fait office de fil rouge. Un assassinat qui les désigne comme cible et fait du survivant, Laura Regan, une fugitive qui ne comprend pas son sort. Et au fur et à mesure, des connexions se tissent entre le pouvoir politique, un virus qui évoque le tristement célèbre Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS ou sa souche coronavirus ayant récemment encore défrayé l'actualité) et des scientifiques capables de trouver un vaccin, ce qui en fait aussi des cibles. Mais sont-ils poursuivis par des terroristes ? Vous avez dit «théorie du complot ? »... Bref, on ne va pas spoiler ce polar angoissant, qui vous prend tout de suite à la gorge et dont la narration s'appuie sur des fluctuations habiles de rythme. Mention spéciale à Mike Huddleston (Sarcophage, Butcher Baker), qui confirme, s'il en était besoin, son statut de graphiste d'exception. Tout en restant sobre, il réussit l'exploit de mixer noir et blanc et déclinaisons chromatiques, alternant couleurs sombres, pastels ou chatoyantes. Son trait nerveux sert à merveille l'intensité du récit et il se permet même quelques inserts photographiques qui renforcent l'ambiance inquiétante et le réalisme du récit. Bref, Homeland Directive est une pépite de la bande dessinée américaine qui vient illuminer l'actualité des parutions. Notre agence de renseignement est formelle !