L'histoire :
Jerry, un comédien raté, se retrouve à une fête de snobinards new-yorkais. Alors qu'il joue au scrabble avec d'autres participants à la fête, il prononce le mot "Éternité". Ce que Jerry n'a pas vu venir, c'est que d'autres personnes que lui prononcent ce même mot, résultant en conjoncture, une sorte de miraculeuse incantation qui permet à une entité nommée Kid Eternity de s'échapper de l'Enfer dans lequel elle était emprisonnée depuis près de trente ans. Hélas pour les fêtards, Kid est lui-même poursuivi par les Schichirirons, des créatures maléfiques et psychédéliques qui entreprennent de massacrer tous ceux se mettant sur leur chemin. Jerry parvient à s'échapper mais Kid Eternity lui apparaît de nouveau. Cet individu blafard au look décalé est lui aussi parvenu à s'enfuir en se réfugiant dans l'esprit de Jerry sous la forme d'une pensée. Kid et Jerry vont s'associer pour libérer le vieux complice de Kid, Monsieur Gardien. Pour cela, ils vont avoir besoin des cartes de l'Enfer. Ainsi commence une aventure qui va mener nos protagonistes au-delà de barrières de la perception...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nous sommes en 1991 quand les sorciers suprêmes du conseil d'administration de DC Comics, probablement ivres morts, décident de donner un coup de jeune à un vieux personnage oublié de tous : Kid Eternity. Ils décident de confier cette tâche au Grand Dragon Chauve : Grant Morrison. L'écossais reprend alors dans les (très) grandes lignes les origines du personnage de Kid Eternity pour en fournir une mouture lui correspondant au plus près à lui et à son univers. Nous découvrons aujourd'hui ici un récit à l'esthétique aboutie, complexe et marquée par son époque (les illustrations de Duncan Fegredo et le découpage des planches sont typiques). L'histoire à proprement parler suit un comique de stand-up plutôt dénué de talent nommé Jerry qui se retrouve à parcourir l'Enfer aux côtés de la version Morrisienne de Kid Eternity. Un Kid qui arbore certains traits reconnaissables du glaswégien illuminé tels qu'un goût prononcé pour la magie et des lunettes rondes, lunettes que l'on reverra sur le nez de King Mob dans Les Invisibles. Dire que Kid Eternity est une histoire écrite par Grant Morrison, ce n'est pas peu dire tant il est parfois difficile de s'y retrouver. Par exemple, toute la première partie du récit est constituée d’événements se déroulant en parallèles bien que prenant place à différents moments (si, si) et le découpage tantôt séquentiel, tantôt en éventail et tantôt en spirale, etc, des différentes planches n'aide pas vraiment. La deuxième partie du récit est plus « simple » dans son déroulement mais les explications et motivations des personnages requièrent de s'y connaître un peu en magie du chaos et en magie kabbalistique. On regrettera le passage à la moulinette gritty des années 90 avec des origines de Kid Eternity tellement sordides qu'elles en paraîtront un peu risibles, aujourd'hui. Déprimant et cynique mais aussi ambitieux et esthétiquement abouti, ce Kid Eternity demeure, près de 25 ans après sa publication, un comics intéressant que l'on recommandera toutefois aux admirateurs du Monsieur Propre des Highlands et (ou) aux lecteurs potentiellement attirées par les diverses notions occultes présentes dans ses pages.