Les amateurs de science-fiction et de pistolets lasers n'ont pas pu échapper à l'album Dr Grordbort sorti au mois d'avril. Ce premier titre d'un auteur néo-zélandais, qui s'était jusqu'ici illustré avec ses collègues au sein de Weta Workshop (un des studios d'effets spéciaux les plus en vue de ces dernières années) a ravi nos pupilles par son graphisme léché et son récit bien décalé. Invité spécial des dernières Utopiales de Nantes (le festival spécialisé dans la science-fiction et l'imaginaire), Greg Broadmore s'est montré très accessible pour ses fans. C'est avec plaisir que nous sommes revenus avec lui, le temps de quelques questions, sur l'un de nos coups de cœur de l'année 2011.
interview Comics
Greg Broadmore
Bonjour Greg, peux-tu te présenter et nous dire comment tu es arrivé dans le monde de la bande dessinée ?
Greg Broadmore : Je m'appelle Greg Broadmore, j'habite et je travaille en Nouvelle-Zélande. J'ai pas mal de casquettes au niveau professionnel, je suis un artiste au sens large. La meilleure façon de me décrire est de dire que j'adore l'illustration et créer des univers. J'ai rejoint il y a quelques années Weta Workshop (NDT : la société créée par Peter Jackson, spécialisée dans les effets spéciaux) en tant que concept-designer. En parallèle de ça, j'ai réalisé Dr Grordbort qui est un mélange entre des œuvres d'art, des bandes dessinées, le tout dans une époque mélangeant l'Angleterre victorienne et la conquête spatiale. Aujourd'hui, je suis venu en France au festival de Nantes, les Utopiales.
Tu as même illustré l'affiche du festival ! Comment cela s'est-il passé ?
GB : En fait, ils m'ont tout simplement contacté lors de l'exposition qui m'était consacrée en Suisse. J'ai accepté immédiatement en voyant les invités qui répondaient présents cette année ou celles d'avant. Des génies comme Enki Bilal ou Moebius... Bien sûr que je voulais en être, du coup. Ça ne pouvait qu'être sympa.
Quelles sont tes références ?
GB : Elles sont variées. J'aime l'art au sens propre. J'ai grandi en lisant les revues 2000 A.D. avec Judge Dredd. Il y avait des dessinateurs excellents comme Mike McMahon, Steve Dillon, Simon Bisley et plein d'autres qui m'ont fortement influencé. J'ai également une pile énorme de bandes dessinées françaises chez moi et je ne cesse de les accumuler. En fait, c'est difficile de résumer tout ce que j'aime. Dernièrement, ce sont pas mal d'artistes américains. Je ne suis pas quelqu'un de très spirituel et lorsque je suis allé dans le Delaware, il y avait des fresques absolument sublimes.
Comment décrirais-tu Dr Grordbort aux personnes qui ne connaissent pas encore ton univers ?
GB : C'est une série avec des pistolets lasers et des aliens. Chaque livre est un mélange entre des illustrations, des peintures et des bandes dessinées. Il y a des créatures bizarres, des armes gigantesques. Cela pourra rappeler la science-fiction du début du XXème siècle, que j'essaie de faire passer dans un prisme humoristique. Je pense que les fans du genre adoreront ! C'est donc une grande aventure... avec des pisto-lasers !
N'est-il pas difficile d'alterner les illustrations avec les parties bandes dessinées ou avec le bestiaire ?
GB : Non pas vraiment. J'adore les comics et la science-fiction en général. Le fait de travailler sur des effets spéciaux dans les studios de Weta Workshop me permet de faire de nombreuses choses, comme créer de nombreux designs. Je distingue plutôt mon activité dans le studio de celle d'auteur. En général, quand je me mets à designer un pistolet laser, d'autres idées me viennent et j'en fais d'autres à la suite. De chaque arme, je me demande qui est le type qui s'en sert et quel est son histoire. C'est un processus assez simple, mais qui me permet de façonner mes univers de façon très complète.
Sur le site de Dr Grordbort, il y a d’ailleurs pas mal de surprises....
GB : Oui, on y trouve de petits courts métrages que j'ai réalisés. Cela m'a permis de m'entrainer à les animer et j'ai beaucoup appris. Les fans ont ainsi pu voir le monde de Dr Grordbort s'animer. Mes collègues de Weta Workshop m'ont bien sûr filé un coup de main, des conseils techniques et je les en remercie ! Ils sont absolument géniaux. Et puis, bien sûr, j'ai réalisé mon rêve en fabriquant les pistolets lasers !
De qui t'es-tu inspiré pour le fameux Lord Cockswain ?
GB : Il est assez atypique et ressemble pas mal au Major Gruber de Moebius. Je ne peux pas te dire si c'est conscient ou non, mais ce n'est pas volontaire. Je voulais un type avec une grosse moustache et une tenue de colon. Il a l'air de l'aventurier anglais classique et c’est un cliché. J'ai pensé les aliens un peu comme ça aussi. Ils ont de gros yeux et des membres étranges.
Et la suite de Dr Grordbort ?
GB : Il y a un prochain volume qui arrivera mi-2012 et plein d'autres choses dont je ne peux pas encore parler. Il y aura un pack Victory dans Team Fortress 2 avec les tenues et les armes. J'aimerais bien poursuivre ce rapprochement avec les jeux vidéo et développer l'univers de Dr Grordbort en version vidéo-ludique. J'ai beau travailler dans les films, ma plus grande passion concerne les jeux vidéos. En France, vous avez de super studios comme Ubisoft et des créateurs qui font des jeux déments comme From dust.
As-tu tout de même le temps de lire des bandes dessinées ?
GB : Oui mais pas autant que je le voudrais. Mon planning est rempli par les illustrations. Puis dès que je peux, je joue aux jeux vidéo, je lis des romans de science-fiction, des comics ou des livres spécialisés en astrophysique ou en psychologie.
Quel est ton dernier coup de cœur ?
GB : Le tout dernier est un titre ancien. Il s'agit de La grande guerre de Charlie. C'est absolument fascinant. Mills et Colquhoun ont été plus longs que n'importe quel film sur la guerre. Ils ont réussis à nous rappeler que la première guerre mondiale fut la première guerre de science fiction de l'Humanité. On y trouvait des vieux régiments, des machines, des tanks, des aéroplanes, des gaz. Aujourd'hui, les guerres se font depuis les satellites.
Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui choisirais-tu ?
GB : C'est une question bien étrange, incroyablement difficile et en même temps très intéressante. J'aimerais bien revenir dans mon crâne pour vivre certaines choses différemment. Je ne pense pas aimer visiter la tête de quelqu'un que j'apprécie ou que je connais. Imagine, si je pouvais aller dans la tête d'Albert Einstein. Que pourrais-je bien lui dire ou essayer de comprendre ? Comment faire un pistolet laser ? Je ne sais pas. Cette question est dingue !
Thanx Mr Broadmore !
Remerciements particuliers à Leslie pour avoir organisé cette interview.