Tim Burton a popularisé le genre du « conte horrifique » au cinéma... quoi de plus normal de voir aujourd'hui des auteurs de bande dessinée nous proposer des œuvres du même acabit ! Guillaume Bianco est l'un d'eux. Et en plus d'être l'un des plus inspirés, il est aussi l'un des plus productifs. La preuve : depuis Billy Brouillard, il multiplie les séries pour la collection Métamorphose, sous l'égide de Barbara Canepa, et tous se révèlent des réussites. A l'occasion du festival BD Boom de Blois, une petite interview comico-morbide devenait obligatoire....
interview Bande dessinée
Guillaume Bianco
Bonjour Guillaume ! Pour commencer, comment en es-tu venu à faire de la bande dessinée ?
Guillaume Bianco : Je ne voyais pas ce que je pouvais faire d'autre... On passe la majeure partie de sa vie au boulot, alors autant s'amuser ! J'en ai choisi un qui me permette de me coucher et de me lever tard, un boulot où je puisse boire et fumer tout en l'exerçant... La BD s'est donc imposée d'elle-même. J'ai longtemps hésité avec souffleur de verre, mais c'était moins pratique pour fumer des clopes.
Tu as œuvré au Gottferdom Studio… pas trop dur, comment cela se passait-il avec les autres olibrius (Dav etc.)?
GB : C'était génial et stimulant. Une effervescence constante, des échanges enrichissants. A l'époque où j'y étais, Dav n'était pas encore là. Je ne sais même pas s’il était né, à l'époque, d'ailleurs. Y'avait Tarquin, Joaquim Diaz, Arleston, Pellet, Latil, Simon Van Liemt. On rigolait bien. On dansait debout sur les tables en écoutant Presley. C'était très marrant. Arleston nous a nourris en clopes et en whisky (qu'il cachait maladroitement dans le tiroir de son bureau). Je suis assez nostalgique de cette époque. Mon foie également.
Après Kégoyo et Klamédia, tu t'es lancé dans ta série la plus longue à ce jour, Will…
GB : C'est exact. J'ai appris le boulot sur Kégoyo et Klamédia, boosté par Christophe Arleston que l'on nommait affectueusement à l'époque « tonton Scotch ». C'est lui qui m'a incité à proposer un truc à Lanfeust Mag. Il ne devait plus supporter de me voir faire le con dans les couloirs de l'atelier. Je me suis donc mis laborieusement au boulot. Un troisième tome existe, mais l'éditeur ne l'a jamais publié, et a préféré m'orienter sur Will.
Depuis 2008, tu as multiplié les projets, HOTDOG tout d'abord, qui nous présentait une série humoristico-écologique. Quel était ton but avec celle-ci ?
GB : De révolutionner l'univers du livre en bouleversant la conscience populaire. Je ne désespère pas d'y parvenir un jour…
A la fin de l'album, il était annoncé une suite pour fin 2008. On est fin 2009, et rien n'est arrivé. A-t-on des chances de voir une suite ?
GB : Si vous regardez bien l'annonce, elle est suivi d'un « si tout va bien » entre parenthèse. Le deuxième tome en est à la moitié, de nombreux rebondissements y ont lieu, avec notamment la mort d'un des membres du club… Lequel ? Suspens ! Ma priorité, pour le moment, est à Billy Brouillard. Mais Hot Dog reviendra, plus fort que jamais !
Jusque là tu as toujours été édité par soleil. Et là, première (la seule) infidélité puisque tu te lances dans Ernest et Rebecca (au Lombard). Ô pourquoi ?
GB : J'avais envie d'aller coucher ailleurs. J'ai craqué. Mais Mourad Boudjellal a compris et a pardonné mes basses pulsions sexuelles.
C'est aussi la première fois où tu es seulement scénariste. Ô pourquoi, n°2 ? Comment se passe la collaboration avec Antonello Danela ? Tu l’as choisi, tu le connaissais déjà ?
GB : C'est Barbara Canepa qui me l'a présenté. Je l'ai rencontré à Rome dans un restaurant traditionnel, de la « piazza Navona ». J'avais entendu parler de son légendaire coup de fourchette, et n'ai pu résister à lui lancer un défi. Nous avons chacun dévoré 8 plats de pâtes à la carbonara, ce fut épique… Fortement impressionné et quelque peu las de nos « exploits », le maître des lieux a donc déclaré que nous serions ex-æquo, et nous sommes ainsi devenus les meilleurs amis du monde. Comme il ne dessinait pas trop mal, je lui ai refilé un scénario que j'avais la flemme de dessiner : celui d'Ernest et Rebecca.
Ensuite, tu es choisi pour lancer la collection Métamorphose avec Billy Brouillard, et là tu reprends les pinceaux et les crayons…
GB : Billy Brouillard est un livre qui me tenait vraiment à cœur. Il parle de mes névroses, de mes rêves, de mes fantasmes, et de mon enfance. Ça a été un accouchement difficile. Je dois beaucoup à Canepa et à mes proches. Mais le petit se porte bien, et le papa est comblé. Brassens disait : « Si on m'enlevait ce que les autres m'ont donné, il me resterait peu de choses ».Tout est dit.
Sur ce titre, on a du te rabâcher que Tim Burton transpirait au travers de ton ouvrage, non ? Pour toi est-ce un compliment ?
GB : Un livre qui transpire ? Beurk, c'est dégoutant ! J'ai beaucoup copié Edward Gorey, tout comme Tim Burton… Mais il est moins connu du grand public que ce dernier.
Le titre a très bien marché et a même permis à la collection de Barbara Canepa d'accueillir d'autres ouvrages. Or, jusqu'ici, tous sont de toi ! Favoritisme ?
GB : Oui. Complètement. Pour réussir dans ce métier, il faut coucher… Et je ne cesse de coucher avec tout le monde depuis plus de 7 ans. Ça a bien payé : Arleston, Tarquin, Julien Neel… Dans la vie, il faut savoir ce que l'on veut et s'en donner les moyens. C'est mon crédo. Si mon nom figure un peu partout sur les ouvrages déjà sortis, c'est un peu le hasard du calendrier également, je dois bien l'admettre. Mais je vais me faire plus discret par la suite, c'est promis.
Comment as-tu rencontré Jérémie Almanza et quid du concept d'Eco ?
GB : Je faisais mon footing un matin au jardin des plantes, lors d'un séjour parisien. Un gars me collait le train et essayait de me doubler. On s'est tapé 3 km de sprint, mais j'ai fini par l'emporter. Epuisé, le jeune homme (qui n'était autre qu'Almanza), m'a alors dit ces paroles qui resteront à jamais gravées dans mon esprit : « Si tu te défends aussi bien en narration qu'à la course à pied, alors tope là mec ! ». Il m'a fourni plein de dessins, je me suis plongé dans son fantastique univers, et Eco est né.
Tu as également sorti un titre étonnant au format italien, Epitecte…
GB : Oui : il s'agit du livre le plus long du monde, que je scénarise pour mon ami sicilien Sergio Algozzino. L'idée du format n'est pas de moi. Il s'agit d'une envie de mon éditrice, chez Soleil, la grandissime Clotilde Vu. Algozzino et moi-même sommes ses fidèles serviteurs, nous serions prêts à mourir pour elle.
Et puis Chat siamois, les histoires inédites de Billy Brouillard…
GB : C'est la génialissime Barbara Canepa (je dois user de superlatif lorsque je parle de tout ce qui touche de près ou de loin à la collection métamorphose, c'est une des clauses du contrat) qui me l'a présenté. Je suis un grand fan de ses œuvres et je rêvais d'avoir un livre d'elle chez moi. Comme elle n'en avait pas, je lui en ai écris un... Ciou est une artiste remarquable, et une experte du bras de fer. Certains soirs, nous aimons à nous retrouver, elle et moi, dans quelques troquets malfamés, afin de pratiquer cet art. Concernant les histoires inédites de Billy Brouillard, les Comptines malfaisantes, je n'en suis que le dessinateur. Ces comptines populaires, soi-disant écrites par le Diable en personne, ont pour la plupart vu le jour il y a plus de 8 siècles ! Un long travail de traduction latin-français a été nécessaire pour publier les quatre premières.
T'es-tu déjà attelé à la suite, la vraie, de Billy Brouillard ?
GB : Oui, j'ai déjà dessiné une case… Plus que 500 et c'est bouclé ! Ça parlera du Père Noël. Entre autre.
As-tu d'autres séries ou projets qui devraient arriver incessamment sous peu ?
GB : Ernest et Rebecca tome 3, avec Dalena chez Le Lombard... Pour Aout 2010. Et une aventure de Billy Brouillard pour Noël prochain. Vous ne reverrez pas ma binette d'ici là. Par la suite, j'aimerais faire un livre pour enfant. Et un livre érotique et coquin, avec des gros tétés et de l'aventure. Dès que j'aurais le temps.
Un des points communs à tes derniers ouvrages est ce rapprochement assez évident avec l'univers des contes. Eco, d'ailleurs fait parfois penser à un conte pour enfant…
GB : C'est exact. J'ai voulu faire un modeste hommage à ma manière aux contes de mon enfance. Mais je n'ai pas la prétention d'écrire un conte. Les derniers à l'avoir fait, à mon sens, sont Caroll, Buzzati, Collodi et Calvino. Eco n'est qu'un clin d'œil.
Comment travailles-tu avec tes dessinateurs ?
GB : Je leur fais un story-board précis. S'ils ne le respectent pas, je maudis leur nom, invoque les diables des enfers, et s’ils n’en font qu'à leur tête, il m'arrive même d'insulter leur mère. Un scénariste se doit de se faire respecter !
Quelles sont tes influences ? Tes auteurs phares ?
GB : Georges Brassens est ma plus grosse influence. Tous mes livres jusqu'à présents sont emprunts de l'odeur du tabac de sa pipe. J'aime beaucoup Roald Dahl également et le Muppet Show. Pour la BD, Schultz est énorme, évidemment, Watterson aussi d'ailleurs.
Quel est ton ressentiment sur le milieu actuel de la BD ?
GB : Je n'ai pas de ressentiment particulier. Il y a énormément de choses de très bonne qualité. Et énormément de choses de mauvaise qualité. Il faut essayer de se faire de la place au milieu de tout ça. Et ce, en couchant avec les libraires et les éditeurs.
Parmi toutes tes créations, as-tu un personnage préféré ?
GB : Tous mes personnages sont une partie de moi. Comment choisir un enfant préféré plutôt qu'un autre ?
Quelle bande dessinée conseillerais-tu à nos lecteurs ?
GB : La mienne. Les comptines malfaisantes de Billy Brouillard. C'est tout simplement pertinent, sensible et généreux.
Si tu avais une gomme magique pour corriger un détail ou une partie d'une de tes BD, souhaiterais-tu l'utiliser et si oui, sur quoi ?
GB : J'essaye de ne rien regretter et d'accepter mes défauts et mes erreurs. Aussi bien dans le dessin que dans la vie réelle. En revanche j'aimerais bien avoir un « crayon magique » pour dessiner plus vite et sans me fatiguer.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur de BD, qui irais-tu visiter ?
GB : En voilà une question bizarre ? Si je veux me balader dans la tête d'un auteur, pas besoin de « pouvoirs cosmiques », je n'ai qu'à ouvrir sa BD.
Quelle est la question que l'on ne t'a jamais posée et à laquelle tu meurs d'envie de répondre ?
GB : 3 fois 8 ?
Si tu n'avais pas fait de la BD, qu'aurais-tu fait ?
GB : Compétiteur de bras de fer en Amérique du sud.
Merci Guillaume !