L'histoire :
Tout le monde s’affaire autour des mystères qui entourent la Tour de la Chance du bâtiment A. La jeune fille de l’appartement 703, Jung Hong, essaie de comprendre pourquoi l’appartement voisin, le 704, est constamment vide. Grâce au gardien, elle apprend une terrible histoire : une jeune fille vivait dans cet appartement et a fini par se donner la mort en se tailladant les veines avec un cutter. La police l’a retrouvée avec sa robe ensanglantée, le sang coagulé autour du rocking chair et un sourire étrange aux lèvres. Terrifiée par cette sombre affaire, la jeune lycéenne croit voir une silhouette rentrer dans l’appartement 704 ! Le lendemain, elle retrouve le corps mort du gardien devant sa porte. Choquée, la jeune fille ne peut pas aller à l’école mais ses parents tentent de la réconforter. Quelques jours plus tard, le soir, à 21h56, ses parents se lèvent et coupent toute l’électricité alors qu’ils regardaient la télévision en famille. Terrifiée, Jung comprend que quelque chose d’anormal est en train de se produire puisque ses parents ne répondent pas et restent prostrés, le regard dans le vide. Dans le noir, Jung croit apercevoir une jeune femme en train de les regarder. Sa robe est rouge et son regard totalement vide et inexpressif. Jung Hong tente de la chasser pour protéger ses parents malgré la peur qui la paralyse. Cet épisode paranormal n’est que le début d’une longue suite d’évènements fantastiques et terrifiants...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Suite et fin du diptyque Appartement. Le premier tome était très prometteur et on attendait avec impatience la résolution de ce cauchemar urbain. Le moins que l’on puisse dire est que le final est totalement prenant. On peut parfois être légitimement déçu quand une série démarre bien et que les prémices très encourageantes donnent quelque chose de souvent décevant quand l’auteur y trouve une fin ou une explication. Pourtant, ici, c’est tout à fait le contraire. Le manhwaga Kang Do-Young (surnommé Kang Full) offre un tome exceptionnel d’intelligence et, dans le domaine du fantastique, rarement une œuvre n’aura atteint ce degré d’effroi. Dans une explosion d’évènements surnaturels et terrifiants, le lecteur est saisi de peur devant un tel suspense et une telle tension. Le scénario est parfaitement huilé et la narration éclatée décuple le sentiment de désordre et de paranormal. L’auteur continue sa multiplication des points de vue amorcée dans le tome 1. Ainsi, dans ce second volet, on a parfois plusieurs points de vue sur une même planche, les personnages étant réunis sur une case et donnant tour à tour leur pensée et leur sentiment. A noter que Kang Full se permet même de donner la parole au fantôme de l’histoire en adoptant son point de vue ! La frayeur naît de la force des textes et de l’analyse psychologique des personnages qui rendent leur peur contagieuse. Cependant, l’ouvrage est aussi une réussite graphique. Même si les dessins sont peu réalistes, l’auteur aime l’originalité et, comme il multiplie les points de vue, il enchaîne les supports visuels. Mêlant photo (les plans sur l’image de la télévision), dessin, style simpliste (les corps des personnages) et expressions travaillées (les visages), l’ensemble rend le récit d’autant plus effrayant. Les gros plans sur le fantôme de la Tour sont des moments incroyables de puissance et de terreur et rappellent furieusement les terribles apparitions de la morte aux longs cheveux noirs dans le film Ring. Pourtant, la plus grande surprise de ce final n’est pas son ton horrifique, pourtant extrêmement saisissant. Kang Full élargit le thème et y apporte une profondeur très surprenante. Son propos n’est pas de faire du fantastique gratuit pour effrayer son lecteur. La fin se fait humaine et sensible et l’horreur cache une interrogation forte sur la vie urbaine contemporaine. Le fantôme met en lumière les travers de la société (en éteignant toutes les lumières !) : l’homme est devenu individualiste, terré dans son appartement avec sa petite vie matérielle, sans voir les besoins ou souffrances de l’autre. L’horreur naît de l’ignorance et de l’égoïsme de chacun. Les personnages vont alors réapprendre les véritables valeurs humaines. Pourtant, le final réserve une chute incroyable. Vous ne verrez plus jamais les immeubles de la même manière...