L'histoire :
A la fin du trip qui a failli coûter la vie à Kab, une séquence s’est lancée automatiquement sur l’amplificateur de conscience de son amie. Y apparaît le responsable du centre Meditech, c'est-à-dire le fondateur du centre de méditation qui distribue les amplificateurs. Celui-ci leur annonce qu’ils viennent d’atteindre la limite des possibilités de l’appareil et que le centre sera heureux de les accueillir afin qu’ils puissent monter à un niveau plus élevé encore. L’amie de Kab l’emmène donc au drome, l’endroit où les utilisateurs les plus puissants d’amplificateur se retrouvent pour des séances collectives de connexion. Tandis qu’elle est déjà partie s’installer, Kab est quant à lui accueilli par certains des habitués, dont l’un qui lui annonce qu’il pense que la venue du « descendant divin » est pour aujourd’hui, un être légendaire qui permettrait à quiconque le touche d’atteindre la délivrance et l’extase absolue... Une fois dans la zone de transe collective, Kab découvre un monde qui paraît sans limite et où l’imagination permet de tout faire. En fait, seule la puissance de la psyché des individus leur permet d’évoluer plus ou moins facilement ici... Soudain, tous les participants entrent en effervescence : la mythique Sally vient leur rendre visite ! Celle-ci est présentée comme l’une des plus puissantes personnes que le drome connaisse, et Kab est étonné de voir qu’il s’agit en réalité de son amie ! Sa puissance mentale est telle qu’elle lui permet d’influencer énormément le monde qui les entoure, à la grande joie d’une majorité des participants qui se met alors à faire la fête. Mais cela ne plaît pas aux « utopistes », un petit groupe qui milite pour une ascèse méditative des plus sérieuse. Un combat de volonté s’engage alors entre les deux parties, et cela prend tellement d’importance que les Masters vont devoir s’en mêler. Ces derniers sont les administrateurs du drome, mais aussi des personnages si puissants qu’ils sont capables à l’aide de leur volonté de modifier non seulement le drome mais aussi d’influer dans la réalité...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Depuis la fin du premier opus, le doute a été posé de savoir si la réalité de base de Kab est bien la réalité ou si ce dernier est déjà prisonnier de son esprit, quelque part dans une salle d’expériences (ce qui semble bien être le plus probable lorsqu’on reprend la série depuis le début). Avec le second volet, le mangaka plongeait plus loin encore dans les niveaux entremêlés de rêves et de réalités, dans un long trip ininterrompu des deux héros (Kab et son amie sans nom) ayant mis leur esprit en commun à l’aide d’un amplificateur. Dans ce troisième tome, leur voyage continue d’une manière différente encore : après les abus de drogues du volume 1, et la poussée au paroxysme de l’amplification mentale du second, c’est cette fois au tour de l’expérience d’amplification collective de haut niveau. Sans que l’on ne sache toujours si Kab évolue bien dans la réalité ou déjà dans un rêve - dans ses souvenirs -, « sa » réalité est posée comme une base concrète, même si son amie lui lance des piques sous couvert de l’humour pour lui faire croire qu’il est bel et bien déjà dans un rêve (vous suivez ?). D’ailleurs, on se pose alors pour la première fois la question de savoir si l’amie - sans nom - en question existe vraiment... S’ajoute alors un nouveau niveau puisque l’expérience de mise en commun des esprit emmène Kab encore plus loin : de la réalité virtuelle du drome, ce dernier va en effet découvrir autre chose, peut-être bien l’accès au « monde de la lumière » évoqué en secret par les créateurs et les surveillants du drome... Autant dire que, même en s’accrochant ceinture et bretelles, impossible pour le lecteur de savoir où il se situe réellement et où veut en venir l’auteur. Mais cette sensation d’être totalement perdu - et encore plus si l’on a pris le temps de relire les deux volets précédents pour se remémorer le fait que la réalité de Kab n’est peut-être pas la vraie réalité - n’est pas désagréable et donne l’impression d’être soi-même au milieu d’une expérience mystique. Tout le monde n’adhérera pas forcément à cette œuvre mais, pour ceux qui resteront assez longtemps (comme dirait Led Zeppelin dans Stairway to Heaven, référence plus qu’appropriée ici), voire jusqu’à la fin de la série, il se pourrait bien qu’ils découvrent alors à quel point Ultra Heaven est un titre qui saura se hisser au panthéon du genre. L’expérience est d’autant plus plaisante que les thèmes abordés sont assez rares en BD, et que le mangaka fournit de plus un travail graphique des plus approprié. En constante amélioration, son coup de crayon nous offre des planches de plus en plus fournies et travaillées à tous les niveaux, notamment la construction du découpage et le choix des plans qui amènent un vrai plus au récit en rajoutant à l’immersion du lecteur. Ce dernier verra ainsi ses sens aussi retournés que les protagonistes, autant dire qu’il ne faut pas avoir mal au cœur avant de se mettre à lire ! Tant graphiquement que métaphysiquement, Ultra Heaven rappellera à certain des travaux de Katsuhiro Otomo (Akira, Dômu), mais ce n’est qu’à titre d’exemple car la série de Keiichi Koike possède ses propres atouts et ses propres spécificités bien au-delà de cette comparaison. Une expérience à vivre, donc.