L'histoire :
Le 1er janvier de l’an 3 de l’ère Tenmai (1783), un phénomène étrange se produisit : on pouvait alors voir trois lunes dans le ciel ! Le peuple craignit qu’il ne s’agisse d’un mauvais présage et, quelques temps plus tard, le mont Asama entra en éruption. Tandis que le ciel d’Edo fut recouvert d’une couche de cendres, la région du Tôhoku connût une grave famine. Souffrant terriblement, les gens se mirent à manger les racines et les herbes avant d’en venir à déterrer les cadavres et à manger les corps. Seuls deux fiefs parvinrent à enrayer la famine : celui de Shirakawa et celui de Tengai. Dans ce dernier, la princesse avait mis en place un système d’aumône pour tous. En fait, elle a fait en sorte que les impôts soient payés sous forme de chair humaine (au choix : enfants non désirés, yeux, jambes, bras...) et les morceaux collectés étaient resservis à la soupe populaire. Le problème, c’est que les paysans se sont mis à féconder leurs femmes et leurs filles pour avoir toujours de quoi payer. Aujourd’hui, les dérives sont de plus en plus nombreuses...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Shintaro Kago nous avait déjà proposé des Carnets de massacre avec 13 contes cruels du grand Edô dont les intrigues étaient indépendantes les unes des autres. Ici, c’est le contraire, avec l’histoire suivie de tout un fief qui nous est contée, dirigé par une princesse sanguinaire et complètement tarée qui n’aurait rien à envier à la comtesse Bathory. Ainsi, sur toute le première moitié du volume, on assiste à une série de mutilations diverses du peuple pour payer les impôts, et tout autant de scènes de tortures quand les hommes n’ont plus de quoi payer avec leur corps. L’imagination de l’auteur pour trouver des idées de jeux cruels est indéniable et on ne peut que trouver tout cela très original et créatif. De plus, le mangaka parvient à disséminer des bribes de réflexions liées au contexte historique (famine du peuple japonais, début de la médecine et découverte de la lobotomie, persécution des chrétiens...), ce qui rend l’ensemble d’autant plus prenant et intéressant. La deuxième moitié s’intéresse aux conflits politiques entre Tengai et les autres fiefs et nous présente la vie des ninjas qui va devenir du grand n’importe quoi : on fait pousser des poils géants à tout va, on greffe des morceaux humains sur l’ennemis (dents, testicules, etc.)... Chacun développe ainsi une technique particulière et improbable dont il se fait la fierté. Là, on sent que l’auteur s’est fait plaisir et on s’amuse énormément devant ce délire redoutable. Tout au long du volume, on assiste donc à un pan de l’histoire revisité à la sauce Shintaro Kago : ça ne manque pas de mordant, ça soulève parfois un peu le cœur, mais ça donne toujours envie d’en goûter un peu plus !