L'histoire :
Le blé de la petite parcelle de la famille Nakaoka sera bientôt assez mûr pour être récolté. La farine qu'ils pourront en tirer est attendue avec impatience car en ce mois d'avril 1945, le Japon est tout entier tourné vers la guerre, et veut nourrir ses soldats avant sa population. Malgré tout, le redoublement des attaques aériennes américaines sur l'archipel laisse présager le pire. Monsieur Nakaoka l'a bien compris et refuse d'abonder dans le sens des autorités : pour les pauvres, la survie passe avant l'honneur et la nation. Malheureusement il ne fait pas bon être pacifiste quand tous veulent encore croire à la victoire. Cela fait passer toute la famille du côté des traîtres aux yeux de leurs compatriotes qui vont le leur faire payer : Gen, Eiko et leur petit frère Shinji se font attaquer alors qu'ils allaient livrer les sandales confectionnées par leur parents ; leur père est passé à tabac par la police et les voisins refusent de leur vendre quoique ce soit. Leur précieux champ fini même par être dévasté et c'est la famine et le désespoir qui s'installe. L'ainé de la famille, Koji, choisit alors de braver les principes de son père et d'intégrer l'armée pour rétablir l'honneur de sa famille, tandis qu'Akira, d'un an plus âgé que Gen, doit quitter la famille pour aller travailler à la campagne et alléger les charges. Mais même ainsi la misère demeure et madame Nakaoka qui attend un heureux évènement est au plus mal. Ils sont bien loin d'imaginer qu'un beau matin d'août va faire basculer leurs vies dans un cauchemar plus grand encore...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comment était le Japon pendant la seconde guerre ? Comment vivait Hiroshima avant la tragédie qui l'a touché le 6 août 1945, il y a 60 ans ? C'est ce que Nakazawa se propose de nous raconter au travers de cette fresque dont ce premier volume marque le commencement. Vue de l'intérieur d'une famille pacifiste qui lutte pour sa survie, on assiste à un spectacle paradoxal : la misère contre l'honneur. Le peuple japonais souffre, mais fier, il refuse de s'avouer vaincu. C'est l'arbre qui fait face au vent quitte à rompre quand il faudrait n'être que de l'herbe, flexible mais incassable. C'est aussi l'occasion de découvrir l'absurdité de la propagande et de l'endoctrinement systématique qui frise parfois le ridicule, ou encore la réalité des kamikazes, qui ne sont pas aussi inconscients qu'on pourrait le penser. Tout cela décrit comme une forme de prélude au chaos provoqué par "little boy", la première bombe atomique. Pour accompagner ces scènes, ce manga bénéficie d'un dessin simpliste, ressemblant un peu à un cartoon d'avant-guerre et qui donne un côté témoignage d'époque. Les yeux des personnages tirent vers le shôjô et les actions, très peu découpées, font prendre aux personnages des pauses parfois étranges. Pourtant cette maladresse graphique, loin d'être un défaut, ajoute une côté tendre aux personnages et la vie émane définitivement de ces pages comme un pied de nez à la monstruosité des évènements à venir. Tout ceci fait de ce premier tome un récit plein d'humanité qui touche au coeur et prend véritablement aux tripes...