interview Manga

Minami Ozaki

©Tonkam édition 2013

Minami Ozaki est une auteur que peu connaissent en France, et pourtant son titre Zetsuai 1989 est l’un des premiers boy’s love à être paru chez nous, en 2000 chez Tonkam. Et ce n’était pas par hasard que l’éditeur avait choisi de publier ce titre en France, car Minami Ozaki fait partie des mangakas qui ont redéfini les codes du genre dès la fin des années 1980 à travers des dôjinshi yaoï mais aussi des mangas shônen-ai et shôjo parus dans le célèbre magazine de prépublication Margaret (où ont été également publiés La rose de Versailles, Hikari no densetsu, Hana yori dango, Parfait-Tic !, Akuma to love song...). Commencé comme un spin-off plus soft de Dokusen Yoku, son dôjinshi yaoï de Captain Tsubasa, Zetsuai 1989, malgré son trait particulier, a permis à Minami Ozaki et au boy’s love d’une manière générale de dépasser les frontières du Japon. Depuis, l’univers de la mangaka a donné lieu à des anime, et même des albums musicaux, et pourtant elle ne reste connue en dehors du Japon que par une poignée de lecteurs avertis, et il était donc aisé de la rencontrer lors du salon Cartoonist 2013 où elle s’est montrée très disponible pour ses fans et où elle tenait même un stand dans la salle de l’exposition qui lui était consacrée...

Réalisée en lien avec l'album Zetsuai 1989 T1
Lieu de l'interview : Cartoonist 2013

interview menée
par
24 juin 2013

Illustration de l’un des 4 ex-libris de l’auteur proposés au salon Cartoonist 2013 Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes devenue mangaka, et pourquoi ?
Minami Ozaki : Au départ, je ne faisais que du dôjinshi pour mon plaisir personnel. Mais des gens ont vu mon travail et m’ont dit qu’avec un tel coup de crayon, il fallait que je devienne professionnelle, et c’est comme ça que je suis rentrée dans le métier.


Votre seule œuvre à avoir été traduite en France est Zetsuai 1989 (littéralement « amour éternel 1989 ») : comment est né ce manga ?
Minami Ozaki : Il n’est pas né d’une idée mais juste de l’envie de coucher un crayonné sur le papier, c’est parti de là tout simplement. Je n’ai pas directement pensé à un manga, c’est ce que j'ai dessiné qui l’est naturellement devenu. J’ai décidé sur le moment de ce que ça allait devenir, je ne faisais pas de scénario à l’avance.


Illustration de l’un des 4 ex-libris de l’auteur proposés au salon Cartoonist 2013 L’histoire est de plus en plus dure au fur et à mesure des volumes : était-ce une volonté de votre part, ou bien une demande des fans, ou de votre responsable éditorial ?
Minami Ozaki : Je l’ai fait comme ça parce que j’avais envie de le faire ainsi. J’ai imaginé l’histoire au fur et à mesure, et c’est devenu plus dur naturellement sans que ce soit une démarche active.


La fin de la partie Zetsuai 1989 est un peu brusque : pourquoi cela ?
Minami Ozaki : En France, il n’y a que Zetsuai 1989 qui est sorti, mais au Japon il y a une suite dont le nom est Bronze. Il y a déjà 14 volumes à cette seconde série, qui est toujours en cours. J’aimerais que cette série soit éditée en France...


Pourquoi avoir ainsi coupé l’histoire en deux séries ?
Minami Ozaki : En fait, il y a deux idées, deux orientations différentes entre Zetsuai 1989 et Bonze. Dans Zetsuai, l’idée de base part de Kôji Nanjo, alors que dans Bronze, j’avais plutôt envie d‘écrire sur Takuto Izumi.


Illustration de l’un des 4 ex-libris de l’auteur proposés au salon Cartoonist 2013


Zetsuai 1989 est un shônen-ai (boy’s love), alors que Margaret est un magazine plutôt shôjo, cela n’a pas surpris le lectorat à l’époque ? Y avait-il d’autres titres comme le vôtre en prépublication dans ce magazine ?
Minami Ozaki : Oui, ça les a surpris évidemment. Je suis la seule à avoir écrit une histoire de shônen-ai dans Margaret.


Illustration de l’un des 4 ex-libris de l’auteur proposés au salon Cartoonist 2013 En 1989, l’année où vous avez commencé Zetsuai 1989, l’homosexualité au Japon paraissait assez mal vue. Que pensiez-vous de cela à l’époque ?
Minami Ozaki : En fait, Zetsuai 1989 n’est pas un manga qui traite de l’homosexualité. Quand les deux protagonistes se sont rencontrés à l’école élémentaire, Kôji pensait que Takuto était une fille. Quand ils ont grandi, il s’est rendu compte que c’était un homme. Il s’est dit lui-même qu’il n’était pas homosexuel et que leur relation n’irait pas plus loin. Mais il est tombé amoureux malgré lui de son ami d’enfance qui est en fait un homme alors qu'il le considère toujours un peu comme une femme.


Depuis 1991, Bronze, la suite de Zetsuai 1989, a connu 14 volumes. C’est l’œuvre de votre vie ?
Minami Ozaki : Oui, de toutes mes œuvres, c’est celle-ci qui me plaît le plus pour l’instant.

couverture tome 1 de Devil Children As
Vous réalisez également des dôjinshi de style yaoï. Lisez-vous d’autres œuvres dans ce style ? Avez-vous un type d’histoire préféré ou d’autres auteurs que vous aimez particulièrement ?
Minami Ozaki : En réalité, le yaoï n’est pas un style de lecture qui me plaît. C’est uniquement ce que j'aime créer. Donc je n’aime pas d’autres séries de ce type, je ne fais vraiment qu’en dessiner.


Pourquoi aimez-vous particulièrement dessiner ce style de manga, plus que du shôjo par exemple ?
Minami Ozaki : Mais ce que j’écris vraiment, c’est du shôjo en fait, même quand il s’agit d’histoire entre hommes. D’ailleurs, j’écris en ce moment un nouveau manga qui est un shôjo, Devil children As. Ce qui m’intéresse, c’est d’écrire sur un sujet que, en tant que femme, je ne connais pas. Ça m’intéresse d’inventer des histoires de relation entre hommes parce que je n’en vivrai jamais moi-même.



Merci !


Kôji
Kôji, de Zetsuai et Bronze, dessiné par Minami Ozaki lors de son passage en France au salon Cartoonist 2013



Images de l'article : les 4 illustrations des ex-libris de l’auteur proposés au salon Cartoonist 2013, et la couverture du premier volume de Devil Children As





Merci à Sylvain Berard pour la traduction


Toutes les illustrations de l'article sont ©Minami Ozaki
Toutes les photos de l’article sont ©Nicolas Demay