L'histoire :
Le retour : Au terme de sa tumultueuse quête, une vagabonde s’en revient en son royaume. Ça fait tellement longtemps qu’elle est partie, qu’elle reconnait à peine les lieux et les visages. Elle a même perdu son accent et ressemble à une étrangère aux yeux de tous. Elle aurait pourtant bien des choses à raconter, des rencontres avec des créatures tristes, des révélations incroyables avec des êtres étranges… mais personne ne s’intéresse à ce qu’elle a fait, à ce qu’elle est. Alors elle se fond en une introspection pour essayer de comprendre ce qui l’a poussée à partir. Elle regrette presque d’avoir trop vécu, au lieu d’être sagement restée une villageoise comme les autres.
La créatrice : Une artiste vit dans un château, entièrement au service de la noble famille qui y habite. Son atelier est logé dans une tour mal éclairée, mais le Roi n’en a cure. Elle doit peindre et sculpter, quand bien même la lumière nuit aux couleurs, et ne pas protester. Elle fait néanmoins de son mieux et fraye souvent avec la perfection. Chacun peut ensuite s’admirer à travers ses créations, mais sans jamais voir sa griffe, sa personnalité de créatrice, qui reste « transparente », un maillon négligeable au sein du palais, aux yeux des puissants. Alors un jour, pour se sentir moins seule et se sentir aimée, elle donne secrètement vie à un golem représentant un beau jeune homme, à l’aide de terre glaise et d’un pendentif magique. Hélas…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quel objet bizarre que ce recueil de nouvelles « médiévales », ésotériques, lyriques et romantiques. Auteur complet, le français Marcel Shorjian raconte ici huit histoires courtes très poétiques, empruntes d’une personnalité forte et décalée, mais quasi incompréhensibles. Sa biographie officielle annonce clairement la couleur : « son univers visuel est marqué par le théâtre, les costumes, les masques, l’ésotérisme, du tarot aux oracles, et le développement d’un univers queer ». Adieu mon royaume ne se déroule effectivement à aucune époque historique précise. Chaque histoire semble déclinée à partir d’une image de tarot, dans toute sa dimension énigmatique, et explore une thématique ésotérique différente : la figure de la sorcière, de la vagabonde, de l’artiste maudite, du bouffon du roi, de l’apprenti savant… Tout est raconté à travers des encadrés narratifs, sans le moindre phylactère de dialogue, selon une linéarité baroque, imprévisible et sans « relief » dans l’action. Tous sont malheureux et soumis à des forces invisibles qui transcendent leurs conditions et éteignent leurs passions. Si vous cherchiez l’aventure, passez votre chemin. C’est bizarre, décousu, hermétique… mais plutôt joli. Car les personnages aux visages impassibles sont dessinés de manière réaliste et ciselée ; et les décors romantiques, complétés par différentes teintes de bichromies, sont majoritairement remplis de l’imagerie occulte ou d’ornements, comme il s’en produisait sur les contours de tarots ou de cadres. A lire assurément sous l’emprise de substances susceptibles d’altérer les émotions.
