L'histoire :
Gael Kaldera s’ennuie ferme avec ses potes dans la Métastation qu’il a rejoint il y a peu. Ces jeunes adultes vivent dans cette mégalopole grouillante, de petits boulots et surtout de fiesta, où la musique est forte comme les acides consommés. Un soir où une fête dégénère lors d’une descente de police, lui fuit avec quelques-uns. Puis il se retrouve seul à errer dans les quartiers labyrinthiques de la cité centre commercial. Alors qu’il pense leur avoir échappé, il fait face à une apparition fantomatique le déstabilisant physiquement et psychologiquement. Puis, cherchant à manger dans une petite boutique, il est à nouveau poursuivi pour vol et il effectue un saut mortel dans le grand vide-ordure de la cité. A son réveil, il est accueilli par des créatures étranges, toutes réfugiées de la Métastation. Que se passe-t-il dans ces tréfonds de la cité et quel avenir pour ces « créatures » ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On avait laissé Bérénice Motais de Narbonne, plasticienne et autrice, en 2020 lors de la parution de Quitter la baie. Déjà, son univers poétique et gothique, d'où le graphisme noir et blanc épais ressortait comme une signature visuelle, donnait le ton. Dans ce qu'il convient de considérer comme une suite – puisque l’on suit le personnage principal, Gael, et que des citations/allusions sont faites à la baie - l'aspect alternatif qui définissait le premier volume s'épaissit, allant même vers un genre science-fictionnel devant autant à Blade Runner, qu’à l'Incal noir ou Akira. En effet, cet « interstice » à la Metastation n'est pas sans évoquer la cité à niveaux dans laquelle John Difool, de Moebius et Jodorowsky tombe, ou le gloac où Harrison Ford du film de Ridley Scott va chercher les déviants. Quant à l'aspect Manga, au-delà de la référence à Katsuhiro Otomo et à son noir et blanc puissant, d'où émerge à un moment, comme ici, une sorte de liquide libérateur aux allures de pétrole brut, il sera aussi convoqué par certains personnages, habits et design, rappelant Princesse Mononoké de Miyazaki, et la fluidité du trait de la dessinatrice. Ses carnets de la Metastation, en fin de volume, rappellent en effet avec plaisir les univers de Taiyou Matsumoto dans Number Five. Moebius, Otomo, Matsumoto, Philippe K.Dick... que de beaux clins d'œil pour un bouquin à la patte graphique néanmoins très originale, même s'il aurait gagné à davantage de surprises scénaristiques. L’insistance avec laquelle l’autrice, au moins dans les premières pages, tente d’ailleurs de nous baigner dans les us et coutumes (et le langage) de la génération Z, amène une sorte de superficialité un peu dérangeante, même si l’on comprend cela-dit bien en arrière-plan le message sur le mal-être de cette génération. Un diamant brut, au final, dont on préfèrera la couverture noir et blanche sombre de toute beauté - rendant bien plus justice au contenu - à la jaquette bicolore qui lui a été attachée.
