L'histoire :
Été 2015. La mère de Dav l'appelle et lui apprend une bien triste nouvelle : la mort de Gilbert, un cousin de son père. Il s'est pendu. Dav ne le connaissait pas et sa mère commence à lui décrire, en quelques mots, le fait que la famille savait qu'il n'allait pas trop bien, mais que personne ne soupçonnait qu'il aurait pu en arriver là. Alors Dav demande, comme on le ferait tous, si quelqu'un sait pourquoi il a fait ça ? Sa mère n'a pas vraiment la réponse. Mais comme il est naturel de trouver des explications quand quelqu'un a décidé de mettre fin à sa vie, elle lui répond que la sienne n'avait pas été facile et que son métier, Huissier de Justice, n'avait pas du arranger les choses. A l'appui du propos, elle lui relate quelques faits marquants, comme la fois où il a retenu un homme qui voulait se défenestrer à son arrivée... Au bout du fil, Dav est très attentif et un réflexe s'impose à lui, comme si son inconscient le poussait déjà à vouloir en savoir plus sur le disparu et à en faire « quelque chose » : il prend des notes pendant que sa mère lui parle...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si on devait lui dresser un constat, on signifierait à Dav Guedin qu'il est un artiste singulier. S'entourant de drôles de poupées et pratiquant des tatouages non moins curieux (sur lui et, imaginez donc, sur d'autres), ce qui le caractérise est un éclectisme toujours doublé d'un regard aigu sur ses contemporains. Dans sa bibliographie déjà riche, vous trouverez des œuvres totalement délirantes (comme dansMifa ou l'hilarant Bonhommes), des récits qui témoignent de son investissement social (comme dans Colo Bray Dunes ou encore Down with the Kids) ou encore un flashback sur une adolescence marquée par le punk (Breizhskin), sans oublier le sexe (Confessions d'un puceau). Il a également travaillé avec son frère Gnot ou encore Craoman, mais il s'est emparé d'un deuil familial pour travailler seul, durant 5 ans, à la réalisation de cet album. Confronté à ce paradoxe de devoir faire face à la perte d'un membre de sa famille qu'il n'a pas connu, c'est en entendant des bribes de discours sur l'être disparu, comme on en tient tous après que l'évènement fatal a frappé, il a décidé de mettre en scène sa vie. Et Une vie d'Huissier, ça réserve son lot de situations compliquées, qui requièrent à la fois de l'humanité et de l'autorité. Il nous fait donc découvrir Gilbert, en alternant les scènes qui illustrent son enfance avec celles de son quotidien d'agent de la Justice. Gilbert, ce garçon frêle à cause d'une santé fragile, issu d'une famille rurale et aux moyens modestes et devant faire avec un père qui buvait trop. Gilbert, ce jeune homme que le hasard conduit à embrasser sa carrière et qui va côtoyer la grande misère que peu de gens soupçonnent, celle qui se cache derrière les portes de logements, souvent des taudis, qu'il fallait forcer avec l'aide d'un serrurier. Son trait épais, parfois charbonneux, donne à son Noir et Blanc un air de « carnet de vie » parfaitement adapté à son propos qui, une nouvelle fois, porte un regard sans fard sur ceux qui ont accumulé trop de dettes pour pouvoir y faire face. Voilà, Dav Guedin est une nouvelle fois là où on ne l'attendait pas et il peut s’enorgueillir d'avoir fait un sacré beau portrait du cousin de son père, tout comme il ne cache pas le bonheur d'avoir « trouvé » sa cousine, alors que tous deux se connaissaient à travers les réseaux sociaux sans avoir réalisé, avant ce décès, qu'ils étaient parents ! Un sacré beau livre, une sacrée belle histoire, celle de Gilbert, qui peut aussi nous laisser à penser que la vie est plus forte que la mort. Une idée, à l'image de cet album, qui aurait sûrement plu à son aîné.