L'histoire :
En quête d’un logement sur Paris, Saturnine Puissant répond à une annonce curieuse. Le célèbre et très secret photographe Don Elemirio, autoproclamé « Grand d’Espagne », cherche une colocataire au sein de son hôtel particulier. Elles sont nombreuses à attendre dans le petit salon pour obtenir une chambre de 40 m² avec salle de bain privée ! En discutant avec ses rivales, Saturnine apprend que huit femmes ont déjà habité ici et qu’elles ont toutes disparu. Sans doute sont-elles mortes assassinées par celui qu’on surnomme désormais « Barbe bleue ». Mais cet homme mystérieux, qui vit dans le luxe et échappe aux paparazzis, excite les femmes, qui veulent le rencontrer. Arrive le tour de Saturnine. Elle est conduite par le secrétaire particulier de Don Elemirio, dans son bureau. Il est en contre-jour et parle peu. Saturnine lui tend son CV, elle est professeur assistante à l’Ecole du Louvre. Sans plus attendre, Don Elemirio lui attribue le logement. Dans la foulée, il lui fait visiter ses appartements… l’annonce ne mentait pas : c’est spacieux et magnifique. Puis il lui montre une porte noire et indique que cette chambre noire, non fermée à clef, où il développe ses photos, est strictement interdite. Saturnine demande 24h pour réfléchir. Le soir même, son amie et colocataire actuelle tente de la dissuader d’aller vivre chez un psychopathe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans sa postface, Camille Benyamina avoue son admiration pour l’œuvre toute entière d’Amélie Nothomb. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’elle ait été adoubée par l’écrivaine, « enchantée au-delà de toute expression » par cette adaptation de son roman Barbe bleue. Ce roman est lui-même la réinvention contemporaine de la légende racontée par Charles Perrault (dans ses Contes de la mère l’oye en 1697), lui-même peut-être inspiré par le sulfureux Gilles de Rais (exécuté en 1440 pour crimes sexuels en série sur… 140 enfants ?!!). Mais oublions cette cascade d’inspirations. En se mâtinant de thriller et de chronique sociale, le conte moderne, contemporain et féministe d’Amélie Nothomb est suffisamment riche et original pour mériter une version BD, d’ailleurs parfaitement convaincante. La jeune héroïne parisienne Saturnine se prête donc ici à jeu de séduction et de mort (Eros et Thanatos…) avec un vieux-beau mâle dominant et arrogant. Par son volontarisme et son intelligence, elle « venge » les huit précédentes compagnes du sulfureux Don Elemirio ; mais aussi de manière plus universelle, bien des victimes de féminicides ou de personnalités toxiques et suffisantes. De son trait semi-réaliste stylisé et coloré au lavis, Camille Benyamina trouve le ton, les cadrages et la narration qui accrochent. Une très bonne adaptation.
