L'histoire :
La belle Polly et le charpentier de marine : Un voilier affronte une terrible tempête. Un marin vient relayer son collègue qui tient le gouvernail dans des conditions rudes. Tandis que le marin descend se reposer en cale, il aperçoit une silhouette de femme fantomatique sur le pont et l’interpelle. Ce faisant, il ne voit pas la lame de fond qui balaye le pont… et il sombre. C’est déjà le troisième marin perdu en mer depuis le début de la tempête. Le capitaine demande qu’on tende des filins de sécurité pour éviter que ça se reproduise. Will Clayton, charpentier de marine, est désigné. Ça le sortira un peu de ses rêveries dans lesquelles il se trouve souvent, avec un air triste. Dans ces moments songeurs, Clayton repense à son grand amour, Polly. Ils se baignaient nus dans les lacs de montagne et puis faisaient l’amour sur le rivage… Un amour tellement intense, et pourtant un mariage rendu impossible par leurs conditions bien différentes. Aujourd’hui, Clayton est attendu sur le pont du navire pour tendre ces fichus filins, mais il est en retard. Soudain, le fantôme de femme réapparait aux yeux des marins, juste à côté d’eux. La tête masquée par un fichu féminin, ce fantôme se met à grimper jusqu’en haut de la vergue, en pleine tempête ! Sous le fichu féminin, les marins reconnaissent soudain qu’il s’agit de Will Clayton… les yeux fous, suicidaire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après une histoire de vikings aux tonalités shakespeariennes (L’exilé), puis une histoire de pure épouvante digne de Stephen King (La mare), les éditions Anspach rééditent Dans les pins du néerlandais Erik Kriek, précédemment paru chez Acte Sud l’An II en 2016. Anspach réédite et… complète le recueil de 5 histoires – La belle Polly et le charpentier de marine, Le long voile noir, Taneytown, Caleb Meyer, Là où poussent les roses sauvages – avec une sixième « ballade » meurtrière, La petite Sadie. Le contexte global des historiettes est l’Amérique profonde, ou le post-western, hommage aux « murders ballads », cette composante importante de la musique populaire des années 20, préliminaire au blues rock. Un contexte commun, mais chaque histoire se distingue par sa trame narrative. Les thématiques de la mort tragique, de la repentance et des amours contrariées habitent ainsi chaque propos, glaçant. Eros et Thanatos ont toujours fait bon ménage. Ou mauvais, selon le point de vue luciférien d’où on se place. En soi, les scénarios ne sont pas exceptionnels, mais avec le recours à une narration astucieuse, aux flashbacks et au suspens, ils font sacrément bien le job d’instiller l’angoisse, de magnifier les ambiances pesantes. Le plus réussi dans ces histoires est sans conteste la partition visuelle, typique de la griffe Kriek : des cases sans bordures, en clairs-obscurs très prononcés, toujours bien pleines, comme dessinées à coups de couteaux noirs ou blancs, dans un éclair d’orage. Une teinte de bichromie différente par histoire, fortement encrée, aussi noire que l’âme des personnages.
