L'histoire :
Une jeune femme d'apparence frêle et fragile part pour l'Afrique, histoire de comprendre pourquoi son histoire d'amour s'est terminée en eau de boudin. Ignorante, pleine de préjugés, la jeune femme fantasme et idéalise une terre qui va lui réserver bon nombre de surprises... A un autre endroit, toujours en Afrique, un industriel travaille pour une compagnie minière. Il vit sur place dans un quartier d'expatriés avec femmes et enfants, coupé de la réalité d'un pays dont il exploite les ressources et l'absence de droits. Occidentaux projetés en Afrique noire, ignorants des réalités locales, ces deux êtres aux trajectoires opposées vont finir par se croiser, en plus d'être rattrapés par un monde qu'ils peinent à comprendre...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Habitué au noir et blanc, Nicolas Presl revient avec un nouveau livre, cette fois-ci en couleur. Auteur toujours en recherche, Presl a le grand mérite de creuser un sillon graphique très personnel, inspiré de l'approche découpée ou fragmentée chère à Picasso. Pour contourner l'absence de phylactères, il élabore un jeu précis et nuancé sur les compositions chromatiques : chaque territoire, chaque personnage, chaque objet est doté d'une couleur spécifique (bleu pour l'Occident, rouge pour l'Afrique) lui permettant d'affirmer ses contrastes et le pouvoir d'évocation de ses planches, composées le plus souvent de quatre cases chacune. Les visages sont volontairement déformés, anguleux, jouant l'excès de proportion pour mieux interpeller. Outre la subtile recherche graphique, Nicolas Presl trouve des cadrages et des angles puissants, puis croise trajectoires dans le présent et souvenirs fugaces mais prégnants. Il est bien question d'un voyage, d'affaire pour l'homme, initiatique pour la femme, où l'incommunicabilité reste le dénominateur commun de ces deux vies ancrées dans l'incompréhension de l'autre. L'un est cynique, affiche un paternalisme condescendant et refuse de comprendre le pays qu'il exploite, tandis que l'autre, candide et inquiète, est presque apeurée face à l'inconnu. Un voyage beau et dangereux à la fois, qui n'empêche en rien quelques échappées oniriques du plus bel effet. Puissant et pictural. Au final, une BD sensible, sophistiquée par sa recherche mais sobre dans son rendu, parfaitement lisible et originale. Heureux qui comme Nicolas Presl, d'ailleurs, dont la qualité du travail est reconnue, puisque son livre est dans la sélection du Festival d'Angoulême 2013.
