L'histoire :
Le Papet, qui tenait à vivre seul dans sa maison, avait acheté pour son neveu et filleul, de retour de la caserne, un petit mas qui s’appelait le mas de Massacan, du nom des derniers propriétaires. Au grand dam de son oncle, Ugolin, 24 ans, était un célibataire endurci. Ugolin pensait qu’il ne se marierait jamais, qu’il louerait la maison du village à quelque monsieur de la ville et qu’il finirait lui-même ses jours dans son petit mas des collines : il pouvait y parler tout seul à son aise et compter – toutes portes fermées – ses 32 pièces d’or dans la marmite. Il n’avait pas de mulet, ni poules, ni chèvres, ni même de chaussettes… Alors à quoi bon lui servirait une femme ? Pour les sentiments, quand il se rend à Aubagne toutes les semaines, il s’arrête une demi-heure au figuier pour se nettoyer les idées. Il a calculé que cela lui revient à quinze francs par mois et en plus il peut choisir… Tandis qu’une femme, il faudrait la nourrir, l’habiller, elle parlerait tout le temps et elle prendrait toute la place dans le lit.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean de Florette est la première partie de L’eau des collines, le diptyque romanesque de Marcel Pagnol, qui a notamment été adapté au cinéma par Claude Berri en 1986 (avec les interprétations magistrales de Gérard Depardieu, Daniel Auteuil et Yves Montand). Dans un petit village de Haute Provence, Le Papet et Ugolin convoitent un terrain où coule une source. A la mort de son propriétaire, l’héritier de la terre, un percepteur de la ville nommé Jean de Florette, bossu, vient s’y installer avec sa famille, ce qui contrarie les projets des deux paysans. Hypocritement, Ugolin va nouer une relation de proximité avec lui. Dans cette première partie, on découvre une Provence rurale où les gens du cru usent de méthodes peu catholiques pour se débarrasser des gêneurs ou aboutir à leurs fins. Au-delà du cadre idyllique qu’offre cette région, c’est avant tout la mesquinerie de l’âme humaine, la défiance des paysans pour les fadas de la ville, les rivalités entre villages qui sont au cœur de cette histoire. Même si c’est avant tout à Pagnol que l’on doit cette histoire fascinante, il ne faut pas négliger le mérite des coscénaristes de la BD Serge Scotto et Eric Stoffel, qui ont su préserver avec beaucoup de justesse le style et l’esprit de ce chef d’œuvre de la littérature contemporaine. La prose est savoureuse et les principaux personnages sont à la fois drôles, attachants, mais également terriblement manipulateurs. Le découpage est judicieux, fidèle à l’œuvre originale et avec une mécanique qui embarque immanquablement le lecteur. Le dessin réaliste et lumineux d’Alexandre Tefenkgi est immersif, avec de magnifiques paysages de Provence. Encore une adaptation réussie de la collection Pagnol, qui invite à découvrir ou redécouvrir l’œuvre originale.