L'histoire :
Thomas James Shaper est le seul fils du premier producteur de fraises au Québec. Il vit une vie paisible d’enfant jusqu’à ses treize ans, âge auquel ses parents lui font part de leur avis sur son destin : reprendre l’exploitation familiale. En son fort intérieur, Thomas aspirait à autre chose, la peinture. Sans rien dire à personne, il s’isolait pour laisser place à son imagination et à sa créativité. Le jour de ses 24 ans, il trouve enfin la force de tenir tête a sa famille et leur annonce qu’il va partir à New-York pour faire les Beaux-Arts. Joignant l’acte à la parole, il quitte la ferme familiale le jour même. La dernière phrase de son père est assassine, il lui lance « tâche de construire quelque chose à la hauteur de ce que tu as détruit ». C’est avec cet avertissement rempli de reproches que Thomas prend le premier bus en direction des Etats-Unis. Le jeune homme pose le pied dans cette jungle urbaine et il se rend compte du long chemin semé d’embuches qu’il va devoir parcourir. Du matin au soir, il travaille sans relâche et tente de suivre à la lettre les recommandations de ses professeurs dont un en particulier « Votre art ne peut exister que dans la réaction [...] crachez votre œuvre à la face du monde ». Thomas crée donc son propre style, le stick-painting mélangeant le collage et la peinture pour exister. La reconnaissance tardant à venir, Thomas perd son sang-froid et envoie toute sa haine sur la toile. Son œuvre est superbe et du jour au lendemain, il reçoit un juteux contrat. Le hic est qu’il doit reproduire une dizaine de tableaux comme celui-ci. Il décide de fuir et d’échapper à tout ce cirque en Californie. Mais pour combien de temps ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tom Graffin est l’auteur du livre Jukebox Motel paru aux éditions JC Lattès. Le récit se base sur la recherche d’un lieu mythique où les hommes retrouvent leur feu créatif et où les femmes reviennent tout le temps. Thomas Shaper est le symbole de l’asphyxie familiale lorsque cette dernière trace d’elle-même le destin de ses membres. Le récit met en scène la pression de l’héritage construit à la sueur du front de plusieurs générations. Thomas veut être artiste, il a le feu de la créativité en lui et son dernier souhait est de décevoir sa famille. Il ne veut pas reprendre l’exploitation, il souhaite rejoindre New-York et vivre de sa passion. Thomas va travailler pour réussir et construire quelque chose à la hauteur de ce qu’il a détruit. Il va percer et être emporté par l’appel du succès. Mais le succès appelle les requins qui vont broyer sa créativité. Fuir et trouver un lieu pour se reconstruire devient la seule option. Voici le décor posé par Tom Graffin. Le récit est fort et porté par un thème intéressant. Ce jeune artiste brisant les espoirs de sa famille va se retrouver broyer par le système. La recherche de ce havre de paix va devenir son leitmotiv. L’album est porté par le dessin réaliste de Marie Duvoisin. La dessinatrice est à l'aise dans la représentation de nombreux paysages et ambiances dans lesquels le récit nous fait transiter. Marie Duvoisin nous fait découvrir le plateau fertile et verdoyant du Quebec durant l’été ou le froid mordant de cette même région en hiver, puis nous fait traverser la frontière pour découvrir la grande pomme et enfin nous emmène cheveux au vent à bord d’une Dodge dans les paysages caractéristiques de la Californie. La colorisation est très jolie, alternant les tons froids et chauds selon l’ambiance ou l’émotion souhaitée. Cet album est très réussi, autant dans l’aspect narratif que graphique, ce qui en fait une très belle découverte.
