L'histoire :
En 1642, les anciennes prostituées et voleuses des rues de Paris, Apolline, Quitterie et Louise, ont été « exportées » de force vers l’île de la Tortue, dans les Caraïbes, en tant que « femmes à marier » aux corsaires et puissants propriétaires terriens. Au cours de leur périlleux voyage en caravelle, elles se font la promesse de rester toutes trois unies faces aux écrasants projets machistes. Quitterie se retrouve ainsi épouse du gouverneur Levasseur, tout puissant en ces terres tropicales et insulaires. Elle ne rêve cependant que de retourner en France, afin d’y retrouver son fils. Louise a, elle, été « achetée » par Toussaint, un ancien esclave affranchi, bourru mais gentil. Ce dernier connait trop les entraves pour en imposer à sa nouvelle femme, forte de caractère, et qui se bat comme un homme. Enfin, Apolline, après s’être remise d’une terrible blessure à la cuisse, est devenue plus ou moins la femme d’un natif, Yuma, un indigène aux mœurs radicales. Il l’a violée une fois, puis ne l’a plus touchée. Elle est devenue amie sincère avec Sitong, un boucanier homosexuel et fin cuisinier. Dans ce milieu bigarré, hypocrite et à couteaux tendus, où chacun joue un jeu de faux-semblants, Quitt se fond de politique. Elle propose à son époux de tendre un piège à son rival gouverneur de l’île de Saint Christophe, Du Poincy…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Stéphane Piatzszek et le dessinateur Tieko ne fléchissent pas d’un iota pour cette série d’aventures historiques et féministes. A mi-parcours de la trilogie annoncée, les trois héroïnes affichées en couverture du tome 1 se retrouvent mariées de force aux trois hommes présents en couverture du tome 2. De gauche à droite : Toussaint l’esclave affranchi, gentil mais ambitieux, offre respect et liberté à Louise ; Levasseur, gouverneur omnipotent et retors, a suffisamment d’éducation et de capacité de manipulation pour ne pas avoir besoin de violer Quitterie, afin de l’associer à ses manigances ; enfin, Yuma, indien natif et rustre, redoutable prédateur, se désintéresse totalement d’Apolline depuis qu’il l’a violée pour… lui faire un enfant. Bref, les trois femmes semblent tirer le meilleur parti possible de leurs situations individuelles, tandis que se déroule un conflit larvé entre espagnol, anglais et français, mais aussi entre protestants et catholiques, voire encore entre gouverneurs français de différentes îles. Quête de richesse, pouvoir politique et religieux, domination masculine, sont les redoutables composantes d’un climax explosif, qui devrait intervenir dans le 3ème et dernier opus. Les dialogues sont ciselés et le contexte admirablement documenté – notez que Piatzszek scénarise en parallèle une autre série historique située dans les Caraïbes, Le maître des îles. Tieko déroule quant à lui un dessin réaliste soigné, très justement mis en scène, décoré et découpé… A tel point que cette série n’est pas sans rappeler le cultissîme modèle du registre, Les passagers du vent.