L'histoire :
Transformé depuis peu en justicier armé et casqué, le dessinateur judiciaire continue de nous relater ses états d'esprits. Pour l'amour de sa fille défunte Caroline, suicidée après avoir été violée par des voyous, il a décidé, à la cinquantaine passée, de débarrasser la Terre de quelques unes ses ordures. Son casque de moto sur la tête, son révolver dans la poche intérieur de son cuir, il a attendu deux tueurs à leurs sorties de prison, pour aussitôt les descendre. Sa 3e victime, Abel Kemoun, un exécutant du grand banditisme, il est allé la flinguer directement dans les locaux du Quai des Orfèvres ! Ce jour là, il a d'ailleurs bien failli se faire coincer par Léa, sa nouvelle copine, également... commissaire de police. Aujourd'hui, il apprend de sa bouche qu'Abel n'est pas mort, et que son témoignage va être utile pour débusquer ce « mystérieux justicier casqué ». Alors le dessinateur se rend à l'hôpital, armé, et profite une nouvelle fois d'une chance insolente pour arriver jusqu'à la chambre d'Abel. Surprise : un autre tueur est déjà occupé à l'abattre. Incroyable, le dessinateur s'est fait doubler ! Dans les heures qui suivent, il découvre en outre que celui-ci est l'adjoint de Léa, l'inspecteur Mauroy ! Voilà qui bouleverse quelque peu ses plans : il avait prévu de tuer le samurai, un autre tueur tout juste sorti de prison, qui avait la particularité de tuer ses victimes au sabre...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La première particularité de ce diptyque est de mettre une scène une profession souvent délaissée dans les polars, et pourtant connue de sous : dessinateur judiciaire. La seconde est que ce personnage qui porte le récit par sa voix off, est un salaud, un tueur de sang froid qui s'arrange avec sa morale. En effet, ce dessinateur anonyme (jamais le récit n'évoque son nom) est simplement mu par une haine contenue depuis des années (voilà pour le mobile), qui ressurgit à l'occasion d'un drame personnel (voilà pour les circonstances atténuantes). Son plan de carrière en tant que flingueur se complexifiait toutefois, au terme du premier opus : il jouait avec le feu en sortant avec une femme commissaire, il s'attaquait à une cible aussi ambitieuse que dangereuse (le samurai) et il risquait d'être confondu par un témoignage. Original et ouvert en possibilités, ce contexte pouvait toutefois paraître légèrement artificiel ou du moins culotté sur le plan psychologique. Cette suite confirme cette double impression, en reprenant dans la continuité, en déroulant de manière cohérente et prenante, et en concluant avec une surprise de fin pour le moins inattendu, pour ne pas dire gonflée. Au dessin, Jean Trolley confirme sa reconversion, de taille, pour un saxophoniste qui livre aujourd'hui sa première oeuvre de BD. A défaut de révolutionner le genre, ses encrages réalistes, sérieux et appliqués, nous immergent parfaitement dans la peau et les contradictions de ce tueur tourmenté. On referme le diptyque en ayant passé un bon moment de polar, mais avec le sentiment, aussi jubilatoire qu'aigre, de s'être (gentiment) fait entuber par les intentions du héros.