L'histoire :
Le regard accablé, un homme se recueille sur une tombe dans un cimetière. Il vient de perdre sa fille unique, Caroline, il y a quelques semaines. Elle n’a pas supporté le viol en groupe subi dans une trame de RER… elle s’est pendue dans le grenier. Depuis, il n’a plus goût à la vie. Or, depuis plus de 20 ans qu’il exerce le métier de dessinateur judiciaire, le principal regard qu’il a sur l’humanité est celui de monstres à l’origine de crimes sordides. Comme pour redonner du sens à sa fin de vie, il décide alors de devenir lui aussi un assassin, en supprimant tous ces tueurs emprisonnés, à leur sortie de taule. Jusqu’alors, sa vie c’était Caroline et les assassins… il ne lui reste plus que les assassins. Il les connait bien, pour avoir suivi les minutes de leurs procès et avoir épinglé leurs nombreux croquis au mur de son bureau. Il commence par Simon le boucher, qui a jadis haché menu son propre fils. A peine ce dernier a-t-il fait deux pas à la sortie de la Prison de la Santé, que notre dessinateur le flingue à bout portant, dans une rue déserte. Ni vu, ni connu. Plus tard, à la porte de la prison d’Orléans, c’est au tour de Simon Connard. Jadis, ce dernier ne supportant plus que son patron se moque de son patronyme, l’avait passé au travers d’une scie circulaire. Ces meurtres le soulagent certes un peu, mais il demeure tout autant tourmenté par la perte de sa fille. Paradoxalement, il reprend alors contact avec un ancien flirt, Léa, commissaire de police, aujourd’hui en charge de l’enquête sur les deux meurtres…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voilà bien la première fois que dans le 9e art, un héros exerce la profession de dessinateur judiciaire ! Et pourtant, cet emploi à mi-chemin entre l’art et la criminalité se révèle fort astucieux : il s’agit à la fois d’un poste d’observation avancé (voire fantasmé ?) sur les acteurs du crime et d’une mise en abime amusante de l’artiste. Le dessinateur de ce… Dessinateur (sic) est un ancien saxophoniste mais nouveau venu dans le paysage bédéphile franco-belge : Jean Trolley. Il livre des encrages réalistes fort corrects, tout en clairs-obscurs. Le seul bémol viendrait d’une petite rigidité graphique, du fait d’un léger manque de distance avec la documentation dont ses décors et personnages sont inspirés. Pour revenir à la problématique du récit scénarisé par François Dimberton et Erroc (auteur, dans un autre genre, des Profs), le héros décide d’emblée de devenir un anti-héros : il explique sans détour que son parcours personnel l’amène aujourd’hui à passer du côté obscur. Ses états d’âmes sont aisément transcrits aux lecteurs à travers une narration à 99% en voix-off décrivant ses pensées. En effet, de rares bulles sont attribuées à des seconds couteaux, plus pour illustrer que pour faire avancer l’intrigue. Ce système de narration a le mérite d’être souple et parfaitement limpide sur les intentions, mais l’inconvénient inverse de manquer un chouya d’originalité. Le parcours psychologique de ce dessinateur-justicier semble alors cohérent, mais il n’en va pas de même avec les circonstances de ses actes, bénéficiant d’une réussite singulière. Sans préparation aucune, il finit tout de même par en flinguer un dans l’enceinte de la PJ, quai des orfèvres, et à s’échapper ! Le cliffhanger final nous appâte pour un second et dernier tome, qui devrait néanmoins voir l’étau se resserrer. Gasp…