L'histoire :
Hugo a 40 ans. Il partage sa vie avec Alice et leur petite fille Violette. Une forme de routine s'est installée dans sa vie, bien malgré lui, allergique qu'il est aux « repas en couples où on cause d'éducation des enfants pendant des heures ». Dans le répertoire de son téléphone, il reste le numéro de Fred, un ami proche qui s'est suicidé quelques mois plus tôt, laissant une bande de copains perplexes et médusés. Alors, pendant qu'Alice est penchée sur la tombe de son père dont elle élimine énergiquement les mauvaises herbes, Hugo appelle le numéro. Bien évidemment, c'est un inconnu qui décroche, ignorant qui est ce Fred dont on lui parle. Sur la route du retour, ils vont récupérer leur fille chez la mère d'Hugo, pas très passionnée par cette gamine qu'elle a laissée devant son écran d'ordinateur une bonne partie de l'après-midi. Discrètement, elle annonce par ailleurs à son fils qu'elle vient de rompre avec son nouveau compagnon qui l'hébergeait, et qu'elle va donc devoir venir habiter chez lui quelques mois. Hugo n'a pas le courage de le dire à Alice, lorsqu'ils sont en tête à tête, au volant de la voiture. Dans les jours qui suivent, le souvenir de Fred va se ranimer dans la vie d'Hugo et de ses amis, lorsqu'ils vont découvrir le cadeau d'adieu qu'il a réservé à chacun d'eux. Des cadeaux surprenants, choisis avec soin, qui vont les forcer à se poser des questions sur ce que Fred a voulu leur dire dans ce dernier message. Pour Hugo, c'est un monocycle...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Derrière l'apparente répétition des thèmes choisis, le sillon de Jim se creuse et se renouvelle, avec cette chronique contemporaine qui met quelques quadras modernes et branchés face à leurs responsabilités. Comme à son habitude, l'auteur prend le temps d'installer ses personnages dans leur quotidien, avant de mettre en place les éléments de son intrigue, créant une galerie de personnages crédibles, proches et somme toute normaux, qui vont nous plonger dans une histoire réaliste. A chaque nouveau venu autour du jeune père, c'est un pan supplémentaire qui construit son univers, et accessoirement une nouvelle preuve de sa difficulté à affronter les enjeux de son existence. De manière légère et apparemment superficielle, les conversations se succèdent, construisant un monde cohérent dans lequel chaque échange compte, chaque moment peut être déterminant. Lorsque, petit à petit, une certaine forme de lâcheté se construira autour d'Hugo, tout dans le déroulement de l'album paraîtra évident. Le dessinateur Alexandre Tefenkgi donne aux ambiances de Jim une patte très intéressante, extrêmement dynamique, moins réaliste que lorsque le scénariste illustre ses propres albums. Mais le choix est très heureux, le jeune dessinateur de Tranquille Courage semblant trouver une nouvelle dimension, plus aérienne, dans les paysages urbains parisiens. Il apporte une vraie pêche aux scènes de dialogues, et donne au regard du personnage principal une sensibilité qui annonce les révélations à venir. Le magnifique lever de soleil sur la capitale en page 19, avec les traînées blanches des avions dans le ciel bleu, est par ailleurs un joli mélange du style de Tefenkgi coloriste et des codes visuels que Jim affectionne. Les deux auteurs ont visiblement su collaborer pour fusionner leurs univers. Ce nouveau diptyque ne surprendra pas ceux qui ont déjà craqué pour Une Nuit à Rome, dont il est assez proche, finalement, même si Jim avait écrit ce scénario avant celui des deux amoureux – eux aussi quadragénaires – de son récent succès. On y trouvera peut-être un sens du mélodrame un peu plus prononcé, le sort d'Hugo n'étant pas a priori des plus enviables lorsque cet épisode se termine. Mais les fans ne seront donc pas déçus. Quant à ceux qui ne connaissent pas encore l'univers adulte et contemporain dont Jim s'est fait une spécialité, il leur reste un auteur véritable à découvrir. Mais aussi un excellent raconteur d'histoires, qui nous réserve en fin de ce tome 1, un rebondissement plutôt inattendu !