L'histoire :
A 36 ans, Fabien n'a encore rien réussi dans sa vie. Un boulot d'acheteur dans la grande distribution, qui ne l'intéresse pas et qu'il finit par perdre, une vie de couple qu'il interrompt parce qu'il n'y croit plus… Le seul refuge pour lui est donc la maison familiale de Granville, où ses parents l'accueillent comme un grand enfant qu'ils voudraient mettre sur les rails d'une vie normale. Dès le premier jour dans la forêt de son enfance, Fred se retrouve dans la peau du garçon de dix ans qu'il a été, obnubilé par l'affrontement enfantin et cruel entre les deux camps qui se partageaient la suprématie dans les bois. Il revit les scènes de bataille des mercredi après-midi, autour d'une mythique cabane, lieu du pouvoir du clan des « grands » du collège, ainsi que les premiers troubles ressentis avec les filles du village. Ce plongeon inattendu dans son enfance va t-il donner à Fabien les moyens de reprendre en main sa vie d'adulte ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après une trilogie noire et classique (Welcome to Hope) Damien Marie et Damien Vanders nous proposent leur contribution à ce qu’on peut appeler formellement la « mode » des albums en noir et blanc, type roman graphique. Pour le fond, ils satisfont à une autre mode, initiée par le précurseur mais jamais égalé Combat Ordinaire de Manu Larcenet, celle du retour sur soi intimiste. L'album nous promène en effet dans les souvenirs du petit garçon que Fabien a été, et joue sur le mélange entre souvenirs et réalité, un peu à la manière d’un maître du genre, Tanigushi (Quartier lointain). La narration lente, les progressions d'images (certaines très belles) rappellent d'ailleurs le rythme des albums du mangaka, mais la comparaison s'arrête là. Le style de dessin est bel et bien ici semi-réaliste franco-belge. Les auteurs se tirent bien de cet exercice difficile, qui consiste à rendre un récit très personnel « compatible BD ». L'album se lit sans difficulté, mais il faut bien le reconnaître, sans passion excessive. Le scénario insiste un peu lourdement sur les scènes les plus tristes, lorsque des images muettes auraient parfois suffi à faire passer l'émotion. Il manque également à cette introspection la dose d'universalité qui la rendrait accessible à tous. Et la fameuse cabane dans les bois garde pour le lecteur une partie de ses secrets. A la fin de l'album, pour illustrer des extraits du roman qui a servi de base à l'album, on retrouve des photos des restes de cette cabane. Une idée originale, régulièrement utilisée par Damien Marie, qui renforce ici le sentiment de partager une part intime de la vie de l'auteur (comme dans Le Combat Ordinaire). Il reste un album touchant et personnel, un travail sérieux qui offre des très beaux moments, et qui confirme que la BD a désormais droit à tous les sujets. L'étonnant Ceci est mon corps (série d’anticipation du même Marie, qui sort parallèlement) mis en perspective, confirme par ailleurs que le scénariste peut aborder beaucoup de sujets avec une égale maîtrise. Une bonne idée cadeau pour vos amis non-bédéphiles aguerris, qui entreraient dans le monde de la BD par la porte littéraire…