L'histoire :
En 1954, l'ancien résistant Paul Guénot débute une carrière d'instituteur en Algérie. Il est alors doublement accueilli : d'un côté, par ses anciens frères d'arme, en poste à Alger, et de l'autre par son vieux camarade d'hôpital – et néanmoins communiste – Amine. Asia et Nasser, les enfants (adultes) d'Amine sont eux aussi des résistants... : ils officient alors en secret pour le compte du FLN, dans la guerre d'indépendance qui les oppose aux forces armées française. Paul est donc logiquement tiraillé entre ces deux types de belligérants : il respecte le combat des algériens, mais ne peut se résoudre à rejoindre leurs rangs, trop attaché à sa patrie. Il tombe néanmoins amoureux d'Asia... et la met enceinte. Mais un jour, celle-ci est arrêtée pour ses activités terroristes et s'apprête à être torturée. Paul fait aussitôt valoir une dette de sang auprès d'un officier français ami. Asia est secrètement libérée. Paul fuit avec elle et s'installe dans un petit village de montagne. Ils vivent quelques mois paisibles, le temps de voir naître et grandir un peu leur fils, Hocine. Paul travaille alors à la poste de la ville proche et il rentre le soir, pour profiter de sa famille et faire des petits films amateurs. Un jour, les soldats français mettent à sac le village en journée, à la recherche d'armes ou de bombes... en vain. Quelques nuits plus tard, alors que Paul est resté en ville, en panne de moto, c'est tout le village qui est massacré et incendié. Quand Paul y revient le lendemain, il est anéanti en découvrant le cadavre d'Asia. Au même moment, un soldat français retrouve Hocine vivant sous une bassine. Les yeux injectés de larmes et de rage, Paul regarde la signature du FLN sur un mur...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier volet de Tahya el Djazaïr ne promettait guère d'issu réjouissante au dilemme de Paul, tiraillé entre sa patrie française, pour laquelle il a tué durant l'occupation nazie, et le droit à l'indépendance qu'il reconnaît aux algériens, en 1954. Dans cette seconde partie, on s'en doute, l'accalmie des premières pages est de courte durée. Le scénariste Laurent Galandon enfonce en effet le clou en amenant son héros à réagir et à s'engager, 4 années plus tard. Douloureusement trahi, jusque dans sa chair, par l'une des causes qu'il comprenait, Paul doit nécessairement extérioriser sa révolte, se venger... mais à l'encontre de quelle partie ? Qui est responsable ? A travers ce diptyque, Laurent Galandon parvient à mettre en exergue, de la plus machiavélique – et habile ! – des manières, la spirale de la violence. La sale guerre d'Algérie sert ici de révélateur, mais plus généralement, quelle cause mérite que l'on tue ou torture un être humain ? Galandon se préserve bien de tout manichéisme, de toute morale ou de tout pathos. On est néanmoins frappé par l'ignominie et on ressort touché et désarmé par les questions que soulèvent ce drame ; et c'était assurément la meilleure manière de procéder. Au dessin, A Dan peaufine et aère sa griffe semi-réaliste, sans perdre de sa régularité, au sein d'un découpage idéalement rythmé. Encore un diptyque réussi à mettre au crédit de Galandon, qui décidément les accumule...