L'histoire :
Entre les deux pages dessinées par Paul Gastine, ouvrant et clôturant l’ensemble, cet album collectif raconte une dizaine d’histoires (authentiques) de femmes emblématiques de l’Ouest, via le récit d’une chamane à une jeune femme, en 1974.
La promesse, mis en images par Gaëlle Hersent, décrit la découverte du Colorado par Lucy Bird, et surtout son amitié inattendue avec Jim Nugent, ancien bandit, blessé, bourru et finalement grand cœur. La dessinatrice Miss Prickly nous transporte en Oklahoma, où Miss Miller est l’une des très rares femmes Deputy Marshall. Ma maison sans fenêtre, par Laura Zuccheri, raconte la vie cruelle d’une femme capturée par les Indiens. Elle s’échappera avec une femme plus âgée au prix d’efforts terribles contre l’hiver. Isabelle Dethan met en images le destin d’une Indienne (Otter woman, l’autre épouse) gagnée au jeu par un trappeur sans pitié. Pionnière par Virginie Augustin s’attache à Abigail Jane, qui accompagne sa famille dans un convoi vers de nouvelles terres. Plus tard, en Oregon, elle fondera un journal consacré aux droits des femmes. Mary « Stagecoach », noire, fille d’esclave, lutte férocement pour se faire une place dans le Montana, y compris par les armes, comme un homme (par Nathalie Ferlut). François Boucq illustre La bougie ou les 5 maris de Kitty Leroy, une femme qui ne s’en laisse pas conter ! Ses 5 mariages tumultueux (et courts) sont résumés, la plupart du temps dans la violence. Pour Cattle Driver, Eloïse Oger nous décrit, au Texas, une mère de famille seule et obstinée, qui convoie son cheptel de long horns pour les vendre dans une ville lointaine. Un voyage harassant et à hauts risques. Beaucoup plus tardivement, en 1890, par Elvire de Cock, deux femmes voyagent pour évoquer le passé de Mary Achey, peintre happée par la beauté du Colorado. Daphné Collignon, avec La photographie, nous transporte en 1973 au Nebraska, où une jeune femme interviewe Miss Chrisman, qui a posé enfant pour une célèbre photo, en 1886. Enfin, La chute de La Belle, par Dominique Bertail, évoque Belle Starr, célèbre bandit au féminin, au caractère bien trempé. Elle a en effet connu les frères James et Young, le cruel Quantrill, et s’entraînera dans une spirale de violence.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après déjà trois albums de cette série managée par Tiburce Oger, invitant de nombreux dessinateurs talentueux, enfin un premier opus est consacré aux femmes du farwest. Certaines sont connues du grand public, come Belle Starr, mais le grand mérite, ici, est de présenter des parcours méconnus. L’autre particularité est d’aboutir à un ensemble plus hétérogène que les tomes précédents (et ce n’est pas un défaut), car un thème plus universel, donc plus riche et large (des rôles et des actions de femmes) remplace des sujets plus précis, plus cadrés du western classique. Les dessins sont souvent très beaux, à commencer par ceux de Gaelle Hersent qui lance admirablement l’album, comme ceux de Miss Prickly. On peut en dire autant des histoires « indiennnes » dessinées par Laura Zuccheri, puis par Isabelle Dethan. Virginie Augustin est quasiment la seule à emprunter les codes de la BD franco-belge, avec Elvire de Cock et ses belles couleurs. Quel que soit le style adopté, les dessinatrices parviennent à distiller un charme et une force indéniables. Preuve que le genre western peut être adapté de diverses façons, très librement. Nous en avons une nouvelle preuve avec Eloïse Oger. Elle nous surprend très positivement dans son traitement gracieux et précis en totale adéquation avec le scénario (…de son père, mais on constate que ce choix ne doit rien au favoritisme mais bien au talent personnel). Naturellement très minoritaires, les dessinateurs masculins sont représentés par les célèbres Paul Gastine, François Boucq et Dominique Bertail. S’il y a moins de surprises de leur part dans cet univers qu’ils maîtrisent depuis longtemps, ils livrent des planches soignées et très agréables, conformes à leurs réputations. Daphné Collignon signe le traitement graphique le plus éloigné des conventions établies, au style dit « alternatif » ou « Nouvelle BD », si ces expressions veulent dire encore quelque chose. Cherry on the cake, Béatrice Tillier, qui n’a pas (encore) dessiné d’histoire, a réalisé la belle couverture. Celle-ci est cependant loin du contenu et un peu cliché, mais ce travail est souvent une commande précise. Côté scénario, les textes d’Oger continuent à être excellents, instructifs, de haut niveau, très écrits. On sent l’auteur habité par son propos, souhaitant transmettre, en sincérité totale. La réussite de l’ensemble, elle aussi, est totale.
