L'histoire :
En 1890, une poignée d’hommes influents et d’officiers se réunissent au Britten Club de New York. Sûrs de leur supériorité sur les tribus indiennes qu’ils exterminent, ils présentent notamment la Gatling, une mitrailleuse qui devrait s’avérer fort utile pour « pacifier » l’ouest du territoire jusqu’à l’océan. Un défi est alors lancé au lieutenant Farshing, arrogant et fanfaron, dont le modèle est le cruel général Cluster : « dératiser » Porcupine. Cette ville frontière du Dakota du sud, où la voie ferrée a charrié tout ce que la conquête de l’ouest connait de pire, est en effet devenue un véritable coupe-gorge, sans shérif, sans loi. Un jeune photographe, Edwards, est convoqué pour immortaliser le pari. Il est même recruté pour accompagner Farshing vers l’Ouest et témoigner de la réussite (ou non) de sa mission « civilisatrice ». Ça tombe plutôt bien pour Edwards : depuis qu’il a quitté Londres, il rêve en secret de partir vers l’Ouest… d’autant plus qu’il veut y rejoindre sa maîtresse, Elizabeth. Mais pourquoi fait-il ces terribles cauchemars peuplés de jeunes femmes lascives et… éventrées ? Les membres du Britten Club semblent en savoir long à son sujet…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après un détour réussi par l’anticipation (Need), Damien Marie revient au contexte ouest américain de ses premières séries (Règlements de compte et Welcome to hope). Plus globalement, le scénariste semble faire sa thématique de prédilection d’une vision ignominieuse de l’humanité, des tréfonds glauques de l’âme. Prévu en diptyque, Wounded présente pourtant un jeune héros apparemment romantique, mais tourmenté par de curieux cauchemars. Edwards est vaguement inspiré par le personnage réel d’Edward S. Curtis (le photographe des indiens) mixé à une autre figure mythique de la fin XIXe disons… plus sulfureuse (difficile d’en dire plus sans déflorer le suspens). Dans cette mise en bouche impeccablement menée, ce héros est recruté pour accompagner et photographier, lors d’une mission de pacification sanguinaire, un ersatz du général Cluster. Le contexte authentique de l’extermination indienne est idéalement infâme et impeccablement retranscrit par le dessin réaliste de Loïc Malnati, qui revient ici à un mode encré classique (a contrario de son Apocalypse, en couleurs directes). Un bémol, toutefois : avec une moindre utilisation des dégradés en fonds de case et un travail d’ambiance différent au niveau de la colorisation, le récit y aurait sans doute gagné en noirceur. Bref, ce premier tome entretient tout du long un doute, sur le fil du rasoir, sur la nature d’Edwards. Le cliffhanger nous délivre à ce propos et incite furieusement à découvrir la suite…