L'histoire :
A comme alien, alligator, araignée, abominable homme des neiges, accident d’auto… Pour faire un A majuscule, il suffit de prendre une sorcière avec un grand chapeau pointu, de lui ficher un coup de pied au fesse et de regarder ce qui dépasse : on retire tout, sauf le chapeau, et avec la ligne de flottaison, ça fait un A. Pour faire un a minuscule, il faut prendre une tortue, dans son état tête sortie. On retire la carapace et les pattes, ainsi que l’œil et la bouche : voilà un magnifique a minuscule.
B comme bistouquette, bombe atomique, bedaine de boucher, barbare, bidasse avec bazooka… Pour faire un B majuscule, prenez une autruche et un baobab. Quand on planque l’autruche derrière le baobab, juste pile poil ce qu’il faut pour que seul le bec et l’œil de l’autruche dépassent sur le côté, et qu’on ne focalise que sur cette zone, ça fait un B majuscule. Pour le b minuscule, un simple moustique suffit. On lui arrache les ailes (aïe), les pattes (ouille), l’abdomen, et tant qu’on y est la moitié de la tête… Bref, on ne garde qu’un œil (sans la pupille) et le nez : voilà un b.
C comme…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet album n’est pas une bande dessinée à proprement parler (et à rapidement dessiner). Dans ce petit livre souple en noir et blanc, Joann Sfar, qu’on ne présente plus, s’amuse à jouer avec chaque lettre de l’alphabet, en en présentant leurs formes sous des aspects gentiment horribles et incongrus. En préface, Sfar explique (à juste titre) qu’avec l’alphabet, on peut écrire les pires horreurs, et qu’il nous engage vivement à le faire, étant donné que la littérature ne se nourrit que très rarement de fleurs, de bisous et bonnes notes. Chacun des 26 chapitres, comme autant de lettres de cet abécédaire, commence par l’ornementation monstrueuse, pleine page, de ladite lettre. Puis une double page s’occupe du descriptif farfelu et imaginatif de leur forme (le g minuscule ressemble à un nain qui s’en-va-t-au-boulot, mais sans sa pioche et son bonnet ; le U majuscule ressemble quant à lui au zizi de pépé…). Certes, on est ici plus proche du minimalisme absurde des Shadocks que de la profondeur philosophique de son Chat du rabbin. Enfin, une quatrième page dévoile quelques exemples de mots qui font peur, commençant par la lettre (urinoir, ultralibéral, unijambiste, uranium, urticaire utérin…). A défaut d’être totalement indispensable, cet exercice rigolo, astucieux et somme toute emprunt de poésie, doit sans doute être approuvé par Fred et son Philémon…