L'histoire :
Christian, 12 ans, vit en Italie dans une petite cité HLM non loin de la mer, avec ses parents et son grand frère Francesco. Le père est semble-t-il au chômage. Il délaisse en tout cas complètement ses obligations familiales. C'est donc Francesco qui s'occupe de son petit frère. Christian, qui ne connaît pas grand-chose en dehors de son quartier, y traîne avec une bande d’autres collégiens. Au-delà des « chambrages » réguliers et de l’école, son quotidien est fait de courses en scooter dans les rues. Or, un jour qu'il a été amené par Francesco au bord de la mer en voiture, puis laissé là avec consigne de rentrer à pieds par la pinède et le périphérique proche, il tombe sur un berger ayant descendu ses brebis des collines environnantes. Cette rencontre va sans doute marquer sa vie. Mais il n’est pas si simple de sortir de son carcan sociétal...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le dessin au trait, façon crayonné épais à peine poussé, est la principale porte d’entrée de ce roman graphique. Pour les lecteurs habitués à la bande dessinée très propre, cela pourra paraître comme un rebutoir. Pour les autres, amateurs de dessin, le charme opère vite, passé l'effet de surprise et l'étrange sensation d'avoir peur de se salir les mains en tournant les pages. Car du crayon, il y en a beaucoup, dont d'importantes zones de hachures, souvent utilisées très rapprochées pour marquer les noirs et les ombres. Tout cela se voit d'habitude plutôt dans les fanzines, et même si c'est un pari osé, cela suffit à faire de ces « moutons » une œuvre assez originale. Emanuele Cantoro dessine les paysages de manière assez réaliste et il aime les animaux, c'est évident. Il faut voir en effet comment ses chevaux, moutons ou chiens sont bien représentés, tout comme la pinède, la mer ou les architectures. Tous ces traits enchevêtrés, définissant parfois à peine certains objets, ne gênent pourtant en rien la compréhension. Passé l'aspect graphique, important, on se prend à avancer avec un certain mélange d'anxiété et d'interrogation, face à ce drame du quotidien se jouant sous nos yeux ; avant que le sens philosophique du final ne remplisse le cadre scénaristique du roman. Nous ne sommes pas loin d'un autre ouvrage réalisé par un italien, publié par les éditions Misma en 2019 : L'été dernier de Paolo Cattaneo. Car ici aussi, le réel se laisse submerger par une part de fantastique, tel un voile qu'il suffirait de soulever pour accéder d'un univers à l'autre. Une part d'enfance aussi qui se dissout, modelée par une expérience plus ou moins dure et la sensation qu'un « ailleurs » existe. Si les moutons savent ce qui est bon pour eux, on peut sans nul doute affirmer qu’Emanuele Cantoro a su ce qui l'était pour nous. Un bel et tendre ouvrage, ne négligeant rien de la dureté du réel, et un auteur à suivre.
