L'histoire :
Lope de Aguirre est venu aux Indes Occidentales par idéalisme. Mais les innombrables massacres que les conquistadors ont perpétrés lui ont fait comprendre que les idéaux de la chevalerie et de l'Eglise ne sont que des prétextes pour cacher la soif de sang, de pouvoir et d’or des princes et des représentants de l’église. A force de douter et de renier ses idéaux, il est devenu lui aussi un monstre, gagnant le surnom d'El Loco. Quand il est envoyé en expédition sur le Maranon, il a l'occasion de se libérer ; celle qu'il faut saisir, celle qui ne se représentera pas. Alors, Aguirre se révolte, se déclare traître à la couronne d'Espagne, à Philippe 2 au nom duquel le pillage de l'Amérique se déroule, au nom duquel lui et ses compagnons ont déjà perdu leur humanité. Cette révolte sera menée tambour battant : le chef de l'expédition Pedro de Ursua est assassiné, un nouveau vice-roi du Pérou élu et surtout une lettre sera écrite. Une lettre à Philippe 2 pour qu'il sache que loin de l'Espagne, dans la forêt, un homme s'est levé contre lui…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La révolte de Lope de Aguirre est bien connue depuis le film éponyme de Werner Herzog, dans lequel Klaus Kinski incarne un Aguirre inoubliable. Le sujet est dense, profond et passionnant. Richard Marazano, scénariste de Cuervos, Le complexe du chimpanzé, Genetiks..., a l’intelligence de ne pas reproduire le scénario du film. S’il choisit d'user des flashbacks, il rend la parole à l'Indien. Dans cet album, du moins, il n'utilise pas le fleuve qui emmène inexorablement les hommes à la mort. Le dessin de Gabriel Delmas vaut quand à lui vraiment le coup d'œil. Ce dessinateur utilise le noir et blanc avec intelligence et grand talent pour représenter l'ombre et la lumière, mais aussi toute une palette de sentiments humains. La splendide couverture en est une illustration frappante. La mise en couleur volontairement très basique, bi ou tri-chromique, renforce le caractère allégorique du récit. Car, il ne faut pas s'y tromper, l'objet de l'album n'est pas de relater des évènements historiques, mais bien la révolte d'un monstre abominable qui ose prendre son destin en main.