L'histoire :
Edgard Cohen, dit Achab, Commandant de police au « 36 », est grognon : sa nouvelle guibolle (une prothèse flambant neuve, conseillée par son amoureuse) est moche. Il fait une chaleur à crever et le célèbre ours polaire Kurt vient d’avaler son bulletin de naissance sous ses yeux, au zoo. Peut-être un changement d’air serait-il salutaire ? Achab en profite donc pour prendre de pseudo-congés avec Karim, son jeune coéquipier. Direction Le Havre, avec une idée précise en tête : reconstruire les derniers jours de Fath, ex-ami d’enfance d’Achab, ex-taulard au Havre, ex-évadé, mort de la main du Commandant… et père de Karim. Le jeune lieutenant est persuadé que son patron a tendu un piège à son paternel pour le liquider. Achab l’invite d’ailleurs à lui en apporter la preuve. Après il aura tout loisir de le flinguer. Le Havre accueille donc nos deux flics pour une rencontre avec un ancien gardien de la prison. Celui-ci leur indique le nom et l’adresse de l’ancien compagnon de cellule de Fath. Le bonhomme est un brin retors avec la flicaille et il reste pour l’heure peu bavard. Un bain nocturne agité et un roupillon plus tard, Cohen est réveillé par l’appel téléphonique de son supérieur (et frère) : les vacances sont terminées. On vient en effet de retrouver le maire de la ville assassiné...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Changement d’éditeur, d’accord ! Mais pour le reste, la fine équipe reprend le bleu de chauffe sur un même – excellent – tempo et une troisième intrigue policière mettant en scène ce flic singulier. Le caractère d’Achab est en effet ciselé. Il se singularise par : une guibolle en plastique (d’où l’emprunt de son surnom au célèbre héros de Melville), une batterie de joints dans la poche, un matou extra-allumé pour compagnon, un cynisme hors catégorie et passé qui ne demande qu’à lui sauter à la trogne à la première occasion. Seule concession à la nouveauté : cette fois l’enquête se joue en diptyque, pour une virée havraise et une série de meurtres à élucider. D’ailleurs, l’intrigue policière stricto sensu y gagne peut-être un brin en épaisseur au regard d’une enquête mieux construite qu’à l’accoutumée et centrée sur une thématique rarement déclinée (les hermaphrodites et leur « normalisation» sexuelle…). Du coup, l’équilibre s’inverse et le traitement psychologique des personnages offre moins de surprises que précédemment. Pour le reste, l’album joue sur du velours, servi par son graphisme, son casting haut-de-gamme et des dialogues ciselés avec brio (ça claque toujours aussi délicieusement). Le passé de notre savoureux commandant (et principalement les brumes qui entourent la mort du père de son coéquipier) est tisonné, une nouvelle fois, à juste mesure : quelques miettes ici et là pour faire tomber les carapaces ou usiner patiemment le jeu des relations. Bref, difficile de ne pas se faire littéralement cramponner par l’exercice, attachés à ce drôle de personnage pieds et poings. Reste à savoir si la confrontation avec le psychopathe qu’il a démasqué le mènera où il veut. Idem pour les énigmes du passé. Rendez-vous est donc pris pour le tome suivant…