L'histoire :
Le 2 décembre, de nuit, deux vigiles du parc de la Villette découvrent un macchabée pendu au gouvernail d'un sous-marin exposé dans un bassin. Il s'agit du député-maire Graoult, au cou duquel une pancarte a été accrochée : « mort pour la France ». L'enquête est confiée à la « Crim » du 36 quai des orfèvres, le jour-même où un petit nouveau prend ses fonctions, le lieutenant Karim. Celui-ci est déjà connu dans cette grande maison : il est le fils d'un autre flic, Fath, qui a visiblement été flingué par ses collègues, après avoir mal tourné. Karim est donc tout spécialement « accueilli » par son supérieur hiérarchique et il demande dans la foulée à être présenté au commandant Edgar Cohen. Ce vieux flic surnommé commandant Achab en raison de sa jambe de bois et de son caractère bourru, est l'ancien partenaire de Fath et celui qui a appuyé sur la gâchette fatale. Il ne s'est visiblement jamais remis de cet acte : aujourd'hui, il « habite » aux archives, dans le pire des capharnaüms, en compagnie d'un chat caractériel, et il fume pétard sur pétard. L'affaire Graoult et l'arrivée de Karim incitent Achab à sortir de retraite et à prendre le jeune flic sous son aile. Karim découvre alors les méthodes peu conventionnelles de son collègue, tandis que se noue entre eux une relation ambiguë, mêlée de défiance et de respect...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre de cette nouvelle série appartenant au registre du polar contemporain fait bien entendu référence au capitaine du roman Moby Dick de Melville. La personnalité de ce célèbre marin unijambiste est en effet comparable à celle d'Edgar, un vieux flic marginal, profondément tourmenté depuis qu'il a volontairement assassiné son ami, le père de son nouveau partenaire, un jeune flic, Karim. Ce binôme pour le moins hétéroclite façonne logiquement le socle original et intriguant de la série. En marge de la relation particulière qui se noue progressivement entre les deux flics, se dégagera un autre centre d'intérêt à chaque tome, avec la résolution d'une enquête indépendante et complète. Cet épisode pilote a donc le double mérite de présenter le contexte, les héros et de s'intéresser, pour commencer, au double meurtre d'un député et d'un libraire. Le scénariste Stéphane Piatzszek, révélé il y a un an chez le même éditeur avec une petite pépite en one-shot, Cavales, n'est guère dépaysé : les enquêtes parisiennes appartiennent à un registre qu'il maîtrise, puis qu'avant de se frotter au 9e art, il était l'un des scénaristes de PJ (la série télé de France 2). Il réitère avec bonheur cette forme de narration moderne et mature, qui ose des dialogues décalés (et cyniques) par rapport aux faits, sans jamais perdre le lecteur. Piatzszeck s'allie ici avec Stéphane Douay, dessinateur de la trilogie SF mystique Matière fantôme. Sur un style semi-réaliste très agréable, ce dernier varie les angles de vue et insuffle un dynamisme idoine à cette mise en bouche. Un excellent départ...