L'histoire :
Paris, Gare du Nord, dans un futur proche. Karim Albassir déambule dans les couloirs souterrains, au milieu de la foule des voyageurs. Il est le seul à regarder le va-et-vient des autres, qui sont tous concentrés sur l’écran virtuel de leurs terminaux informatique individuels, fournis par leurs implants cérébraux. Il soliloque, en débitant un discours de révolté contre cette société qui l’a rejeté, contre les politiques… et il actionne sa ceinture d’explosifs en plein milieu de la gare. La terrible explosion fait des centaines de victimes. Dans les heures qui suivent la tragédie, la cellule antiterroriste du Ministère de la Sécurité enquête. Flic douée, Anastasia Ovard interroge la mère du terroriste, affligée et désarmée par l’acte insensé de son fils. Un profil commence à se dégager de son parcours récent. Albassir avait fait de la prison ; il était passé par la Belgique ; et il était devenu implantophobe. Anastasia recueille ainsi des premières briques d’enquête et part sur le terrain, à Bondy, pour interroger les voisins du terroriste. Mais la nuit suivante, c’est une junkie qui se fait exploser au sein du parc d’attraction Kimiland ; puis un hacker complotiste à l’accueil du luxueux immeuble de la société Dravo à la Défense. Tous ont le même profil : prison, Belgique, rejet des implants. Il semble qu’une cellule révolutionnaire soit à l’œuvre pour dénoncer l’utilisation des implants et des données personnelles…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le fichage a beau être juridiquement encadré dans la majorité des pays « développés », chacun de nous autres consommateurs de smartphones, acheteurs en ligne, surfeurs compulsifs de services connectés, offrons volontairement une foule de renseignements à des sociétés privées. La scénariste Valérie Mangin imagine la société de demain, qui aurait poussé le bouchon de l’ultra-connectivité aux implants cérébraux. Dans cette ville de Paris d’anticipation, il n’y a plus de téléphones en main, pas plus que d’ordinateurs : tout se passe dans le champ optique intérieur des utilisateurs, qui gesticulent juste avec leurs doigts, « dans le vide » d'un point de vue extérieur, pour naviguer. A l’aide de sa griffe numérique semi-réaliste et très détaillée, Jenolab, pour qui il s’agit du premier album de BD, ne ménage pas sa peine pour nous immerger dans cette société française de demain. Tout au long des 94 planches de cet haletant thriller cyber, le décorum est très proche de notre présent, en tous cas crédible, et les personnages expressifs. Une série d’attentats va mener l'héroïne flic (qui bondit en couverture) à enquêter de plus en plus profondément pour révéler le périmètre d’un complot de grande ampleur. Anastasia trimballe sa part de mystère et celle-ci fera sens avec ses constatations, qui donneront à réfléchir aux lecteurs. Les questions abordées sont en effet celles qu’il nous faut appréhender et cadrer dès maintenant, lorsqu’on projette les récents leviers de développement de nos sociétés : la finesse d’analyse que permettent les métadonnées, le metaverse en devenir, la capacité de déduction et d’action des intelligences artificielles, l’inter- connectivité des objets… Après avoir lu Erreur système, vous allez flipper. Et dans le vide galactique de votre existence déconnectée, personne ne vous entendra crier.
