L'histoire :
Le cuirassé Anselme II jette l’ancre au large de l’archipel de Sainte Agathe, dans l’océan Pacifique sud. Des faits « étranges » se produisent sur cette île et le commandant a donc envoyé la garnison d’un de ses meilleurs blindés pour évaluer le niveau de dangerosité des populations indigènes et la possibilité de civiliser les lieux. A bord, le lieutenant Absinthe a un sentiment de malaise dès les premiers moments passé sous cette latitude. Il est néanmoins nommé pour faire partie de la première mission de reconnaissance, le lendemain. Le soir venu, du pont, les soldats observent les mystérieux flammes qui s’allument un peut partout sur l’île. De quoi déclencher une nuit de cauchemars, chez Absinthe. Le lendemain, il accoste en barque avec 3 hommes. Ils comprennent rapidement que nul danger véritable ne les guette. Ils s’avancent dans les terres, jusqu’à ce qu’Absinthe chute dans des branchages, sans bobo. Mais alors qu’il se relève, il « le » voit ! Troublé plus qu’inquiet, il se redresse et ne dit rien à personne. Le rapport à son supérieur stipulera que l’île était totalement déserte. Absinthe se porte alors volontaire pour une seconde expédition. A vrai dire, il sent l’île en danger et vit son propre bâtiment comme une menace…
L’édition intégrale d’un autre récit, Murmure, complète cette édition…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lorsque Lorenzo Mattoti a publié Feux, en 1986, son ouvrage a fait l’effet d’une petite bombe dans les hautes sphères du 9e art. Jamais un auteur ne s’état permis de marier aussi intimement et brillamment les arts contemporains et séquentiels, à travers un récit philosophique et abstrait. L’angle d’approche est ici avant tout visuel : Mattoti use et abuse de masses de couleurs vives et décalées, il assemble des formes qu’on peine parfois à identifier, mais qui chatouillent assurément les émotions. Chaque case est un tableau, lui-même composant de planches qui sont elles-mêmes des œuvres autonomes et néanmoins assemblées en un récit cohérent… quoique très suggestif. Murement réfléchi et abouti, ce one-shot a bouleversé les codes de la BD traditionnelle, même si chacun y trouvera un peu midi à sa porte. Est-ce une allégorie de l’humanité qui court à sa perte ? La démence croissante d’un « porteur » de guerre ? La nature révoltée ? L’un discernera une symbolique dans le choix des teintes et des formes, l’autre dans le curieux patronyme du héros (Absinthe !)… Mais il se montre hypnotique et questionne encore longtemps après qu’on l’air refermé. Quant à Murmure, le second récit contenu par ce beau recueil, et « scénarisé » par Jerry Kramsky, c’est une autre paire de manche. C’est tout aussi joli et artistique, et tout et tout… mais il faut être en phase avec les nimbes abstraites céleste pour percer l’intention onirique qu’a voulu insuffler l’auteur à travers le cheminement intérieur (ou extérieur ?) de cet être affublé d’une tâche rouge sur le visage. Il est particulièrement hermétique et ardu à appréhender.
