L'histoire :
La guerre de sécession vient de s’achever. Les campagnes d’exploration des territoires situés à l’Est du Mississippi viennent d’être relancées par le gouvernement américain. L’ingénieur Stingley a envie de profiter de cette opportunité pour bâtir son rêve. Il cherche le terrain propice à ses ambitions. Mais il faudra composer avec les comanches qui peuplent cette vaste région depuis des lustres et même les déloger par la diplomatie ou la force si besoin. Dans cette entreprise ambitieuse, il est accompagné par le photographe Oscar Forrest et le jeune Milton, préposé à la cuisine. Ces deux compagnons de route voient avec ce voyage l’occasion de fuir leurs passés respectifs. Un jour, Milton découvre le pot aux roses dans le journal et apprend qu’Oscar fait l’objet de poursuites pour escroquerie. Il lui demande des comptes. Oscar lui révèle qu’il avait une boutique de photographie. Il a arnaqué des clients qui venaient pour retrouver leurs proches fraîchement décédés. Grâce à sa science de l’art photographique, il faisait apparaître des revenants sur les photos. Le carnage de la guerre de sécession lui a permis de faire son beurre sur le compte de la crédulité ! D'ailleurs, les problèmes sont loin d’être finis pour Oscar. Un chasseur de primes rode en effet dans les parages...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Encore un western, vous allez penser ! Oui, mais avec Frederik Peeters et Loo Hui Phang, c’est plutôt un « nouveau western », loin des sentiers battus, qui vous attend. Les deux auteurs se connaissent depuis belle lurette, depuis qu'ils ont participé au projet dessiné d’Atrabile, intitulé Bile Noire, réunissant de jeunes auteurs. Ils ont longtemps voulu travailler ensemble. Et un beau jour, la jeune femme réapparaît avec les bras chargé d’un scénario inspiré des missions photographiques dans l’Ouest des États-Unis. Peeters est conquis par cette histoire fantastico-chamanique. Il faut dire que Hui Phang livre un scénario de haute volée, à mi-chemin entre Blueberry et Terence Mallick. Ici, le western n’est qu’un genre prétexte pour explorer le thème du secret propre à chacun, aborder en profondeur la psychologie des personnages, sans oublier la dimension politique avec le génocide subi par les Peaux-Rouges. À chaque chapitre, on entre de plain-pied dans l’univers de la photographie, avec une case à l’envers (les daguerréotypes sont des images naturellement inversées). Stingley, Forrest et Milton se dévoilent peu à peu. Les dialogues de Hui Phang, à la fois doux et percutants, ne manquent jamais leur cible. Le fantastique n’est jamais loin, l’amour non plus, comme dans chaque œuvre de Peeters. Le trait du dessinateur suisse force l’admiration, tant passe sans encombre la thématique western. Son talent s’exprime tant dans la version monochrome sépia ou bleu que dans la version couleur. Une fois que vous l’aurez lu, vous comprendrez ce titre étrange qu’est L’odeur des garçons affamés…