L'histoire :
Pamela Baladine Riverside, inquiète de ne pas voir remonter Jeanne et Eugène de leur expédition dans les profondeurs de l’Ile des Deux Crânes, descend à leur suite. Parmi les merveilles du site, elle fait la rencontre d’un étrange animal (en)chanteur qui prendra part au reste du voyage. Voyage dans lequel se plonge Lily Love Peacock, petite-fille de Jeanne Picquigny, grâce aux carnets et vidéos laissés par celle-ci dans son manoir de Bourgogne. Aux côtés de Victoire, mémoire de ces lieux, et rejointe par son amie Rubis, elle s’imprègne des mots et visages de ses aïeux, à la recherche d’une histoire, déjà écrite ou encore à construire. Pour Jeanne l’aventurière, la marche est longue de l’Himalaya à l’endroit où se trouve ses enfants ; pour Lily la musicienne, le parcours l’est tout autant afin de trouver le point d’union de ses cultures et, par là même, la voie de son émancipation.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Itinéraires de femmes, entamés il y a treize ans maintenant par Fred Bernard, avec le premier opus de la série, La tendresse des crocodiles. Si trois livres sont consacrés aux aventures de Jeanne Picquigny, ce dernier Paresse du Panda lui fait partager le premier plan avec sa petite-fille, protagoniste du titre éponyme Lily Love Peacock (2006). Des femmes indépendantes, aux amitiés denses, aux amours passionnées, aux vies marquées par le mouvement, les déplacements, le courage du dépassement. Des femmes dont la force puise dans la puissance des liens qui les unissent, entre elles, mais également avec ces autres femmes qui les entourent : Pamela Baladine Riverside, Victoire Goldfrapp, Barberine Love Peacock, Rubis Rachmaninov. Si l’on peut s’interroger sur le désir à l’origine de leurs corps bien souvent dénudés, de leurs poses parfois lascives, ou de leurs intimités sensuelles, les caractères qui fondent ces personnages féminins opèrent à l’encontre des stéréotypes. Bien loin d’être en proie à la jalousie (alors que nombre d’entre elles ont partagé l’amour d’un même homme), ou à la rivalité, elles font toutes œuvre d’une solidarité et d’un attachement sans faille les unes envers les autres. Jusqu’à abolir la notion de temps. Dans La Patience du Tigre, Victoire, la magicienne, celle que l’âge ne semble pas atteindre, prédisait à Jeanne que sa petite-fille jouirait et chanterait dans la chambre qu’elle occupait en Inde. Dans La Paresse du Panda, Lily, lectrice comme nous-même des cahiers de son aïeule, donne corps à sa descendance, l’intègre en elle-même, détruisant ainsi la distance d’un passé révolu. Par l’écriture, la mémoire, et la divination, les temps se télescopent, au profit d’un espace devenu commun. Depuis La Patience du Tigre, long parcours de 500 pages, l’auteur semble ainsi développer un hymne au temps long : Patience et Paresse intitulent les lenteurs d’un voyage en bateau, d’une marche infinie dans les montagnes d’Inde et de Chine, ou d’une recherche identitaire au cœur des voix familiales. Le découpage en « chants » de ce dernier tome n’est d’ailleurs pas sans évoquer l’Odyssée, œuvre d’aventures, mais surtout d’une attente insondable. Chez Fred Bernard, si le trait est jeté, la lecture rapide, sa philosophie fait de l’étendue du temps un trésor, de la lenteur un acte créatif, de l’éternité un repère. Des réflexions aujourd’hui rendues indispensables.