L'histoire :
Grégoire poursuit le parcours personnel qui le conduit à accepter les horreurs perpétrées par son père, lorsque ce dernier était engagé volontaire dans les einsatzgruppen sur le front de l'Est. Il décide de se rendre en Ukraine, avec l'espoir peu raisonnable de trouver auprès des victimes et de leurs descendants un réconfort pour sa propre vie. Sur place, il rencontre une vieille femme juive et son frère, rescapés miraculeux du massacre de l'été 1941. La vieille femme est touchée par la démarche du jeune homme, tandis que son frère la rejette et voit en Grégoire l'incarnation de la responsabilité des anciens bourreaux. Grégoire attend une somme d'argent qui doit lui payer son billet de retour. Il se lie alors d'amitié avec la vieille femme, étonnamment cultivée, qui peu à peu, éveille sa conscience politique. Ni victime, ni bourreau, le quadra égoïste qu'était Grégoire va finalement s'ouvrir sur le monde.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout à fait dans la lignée du premier tome, qui nous avait impressionnés par sa gravité, ce second opus approfondit la recherche personnelle de Grégoire dans son passé. Dans un noir et blanc très réussi et dynamique (de très belles nuances de gris émaillent les planches), le récit alterne habilement les déambulations de Grégoire dans le village ukrainien, et les images de la barbarie nazie dans les mêmes rues, 60 ans plus tôt. Cette mise en scène illustre le trouble du personnage principal qui, en abordant les habitants du village, tente d'envahir les souvenirs de ceux qui ont refait leur vie… et auraient peut-être souhaité oublier. L'album se lit d'une traite, avec une petite réserve pour les flashbacks sur les exactions des troupes nazies, qui demandent au lecteur un peu de concentration, s'il veut en saisir tous les détails importants. Les 17 pages sans dialogue au cœur de l'album sont à cet égard un passage crucial. Les relations touchantes avec la vieille dame constituent le ciment de cet album, Grégoire comprenant petit à petit que la douleur des victimes a été bien plus grande que sa douleur personnelle. « Avec vous, j'ai l'impression d'avoir la conscience politique d'un moineau » avouera-t-il à la vieille dame, dans une scène touchante sur les raisons qui ont conduit les juifs de ce village à rester en Ukraine pour y construire leur vie. Une histoire pleine d'émotion qui confirme que la BD peut aborder tous les sujets avec une grande crédibilité.