L'histoire :
Une villa nichée sur une falaise est littéralement tranchée en deux quand un pan de la falaise s’écroule. Etrange spectacle que de voir cette maison et son intérieur à moitié ravagé. La mairie contacte Charlotte, la fille des parents qui vivaient dans cette villa abandonnée. Charlotte revient avec son fils à sa maison d’enfance, quinze ans après l’avoir quittée. Assaillie par de nombreux souvenirs, Charlotte doit trouver une solution : prendre le risque de ne rien faire et que la maison s’écroule pour de bon ? Récupérer les affaires qui restent à l’intérieur ? Un écrivain regarde Charlotte : c’est le seul voisin de l’île et cela fait des années qu’il n’avait pas vu Charlotte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour fêter les dix ans de la collection Ecritures, Casterman propose à ses auteurs un défi singulier. Benoit Sokal a inventé le canevas de l’histoire (voir le résumé ci-dessus) et pas moins de dix auteurs complets de bande dessinée ont proposé leur version de ce commencement singulier : une jeune femme revient sur les lieux de son passé et de son enfance pour y retrouver une maison à moitié détruite. Pour seules contraintes, quelques balises scénaristiques imposées par Sokal : la femme s’appelle Charlotte, elle a un enfant et a perdu ses parents, la maison est à moitié détruite et elle a comme seul voisinage un écrivain. Sur ce canevas transversal, les auteurs ont pu donner libre cours à leur vision de l’histoire. Ici, de grands noms de la bande dessinée côtoient le travail d’autres auteurs moins connus : Jirô Taniguchi, Nate Powell… Ils sont certes issus de pays et d’univers différents, mais ont pour point commun d’avoir tous été publiés au sein d’Ecritures. Cette idée pour le moins originale donne lieu à des histoires courtes et totalement différentes. Certains auteurs imaginent une situation cocasse et intègrent l’humour à cette circonstance de départ. La version d’Hanna Berry est notamment totalement loufoque et rappelle l’absurde de Kafka. D’autres sont profondes et pleines de sensibilité. Dans une série de versions très intimistes, Charlotte va devoir affronter une déferlante d’émotions, entre passé oublié, retrouvailles avec les insulaires ou révélations dérangeantes. Les récits courts laissent la place à des chutes souvent étonnantes et puissantes. Certains récits sont littéralement sidérants et pétris d’intelligence. Les dessins sont aussi autant de versions différentes d’un même personnage et d’un même lieu. Entre le noir et blanc sombre de Powell, la douceur du trait de Cati Baur, le style « manga » de Kan Takahama et le style minimaliste de Gabrielle Piquet, l’ouvrage est également un bouquet de dessins et graphismes variés. Taniguchi, lui, se démarque des autres en ajoutant la science-fiction à la base réaliste, une façon de renouer avec sa version d’Icare produite avec Moebius. Une bonne idée, donc, que ce petit jeu intellectuel pour fêter les dix ans d’Ecritures. Toutes ces histoires sont le reflet d’auteurs qui ont un univers et une âme… un bel hommage à l’écriture et à la création.