L'histoire :
A bord d’un hydravion de la Luftwaffe, Udo Grothendieck (malade comme un chien) s’apprête à rejoindre l’équipage d’un sous-marin de la Kriegsmarine qui croise dans le Pacifique. Notre jeune bleu ne tarde pas à faire connaissance avec le Second du bâtiment, qui lui fait faire une rapide visite, lui montre son poste de travail (radio) et lui présente ses compagnons. A peine arrivé notre jeune blanc-bec est chahuté par ses camarades, qui s’emparent en particulier de son baluchon. En le secouant, ils mettent la main sur un livre. Un ouvrage interdit par le parti et inscrit sur la liste des œuvres dissidentes depuis plus de 10 ans. De peur de passer devant la cour martiale pour complicité, l’équipage décide de se débarrasser du bouquin sans même y avoir jeté un œil. Aussi, la cuvette des toilettes devient-elle son tombeau pour un voyage vers les abysses. L’incident clos, les jours passent et Udo remplit convenablement son labeur. Il fait aussi la connaissance de Rosenbart, un mécano sympathique qui semble en connaître un rayon sur les us et coutumes du sous-marin. Une nuit, le bâtiment est copieusement secoué. Malade, Udo est enjoint d’aller faire un tour en surface pour prendre l’air. L’évènement lui permet d’apercevoir une baleine et son petit. Mais aussi de faire connaissance pour la première fois avec le capitaine du vaisseau, le Kaleunt. Une rencontre beaucoup moins amusante…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En parcourant ce bel album, l’œil glisse de cases en planches aussi aisément que le ferait une première goulée de bière fraîche par grande canicule. La colorisation est juste, élégante en diable. Les lumières et contrastes sont habilement choisis. Le mouvement est omniprésent. Le trait moderne offre sa fougueuse virtuosité. Les décors ont le détail chiadé et servent vaillamment de beaux cadrages. Enfin, l’univers distillé, mêlant océan et mécanique sous-marine, est parfaitement rendu. Le choix d’ailleurs d’une pagination à l’italienne en renforce l’atmosphère en offrant son horizontalité : longiligne et tassée, comme à bord de cet U-Boat allemand qui sert de décor au récit. L’idée initiale n’est d’ailleurs pas sans rappeler la – trop courte – partition de Nicolas Junker en 3 opus avec Immergés. Qu’ils soient intentionnels ou faits du hasard, on se laisse aller à retrouver dans le présent exercice quelques clins d’œil savoureux. Face à cette partition graphique à deux mains – les auteurs se partageant le dessin – de haute volée, le scénario superpose un élément fantastique malicieux à un récit guerrier d’aventure traditionnel. Au cours de ce voyage sous-marin, en effet, un livre interdit par le régime nazi fait son apparition jusqu’à en devenir envahissant. Et ce, quand bien même le capitaine et son équipage s’en débarrassent plusieurs fois. Quel est ce livre ? Quel en est son contenu ? Pourquoi exercice t-il un pouvoir hypnotique sur ses lecteurs ?... Une volée de question qui permet aux psychologies des uns et des autres de s’esquisser, mais qui ne livrera jamais clairement ses secrets. C’est d’ailleurs un peu dommage et rend au final cet élément fantastique peu pertinent. Onirisme, poésie, mythe et légende de la sirène revisités : sans doute. Mais au détriment d‘un récit d’aventure de prime parfaitement appétant. On se sent alors de fait un peu floué par une conclusion en forme de pirouette portant le coup de grâce à un potentiel jubilatoire. Le mélange des genres est souvent savonneux. On en fait peut-être ici un peu l’amère expérience, tout en se laissant plus qu’agréablement porter par la fluidité et l’élégance d’un album à découvrir, malgré tout.
