L'histoire :
Pour seul héritage, Antoine garde précieusement serrée dans son portefeuille, la lettre d’adieu que son père a laissé avant de se passer la corde au cou. Sa mère n’a pas supporté le choc. Elle s’est éteinte quelques temps après le drame. Un seul responsable à tout ça : Robert Mondcamp. Ce salaud est à Paris. Alors Antoine quitte sa vie à Auxerre pour l’air vicié de Paris et une chambre modeste avec WC et toilettes sur le pallier. De Mondcamp, il ne sait pas grand-chose : quelques lettres gardées par son père avec un cachet de la poste du 9éme arrondissement. Un bottin plus tard, le cadran téléphonique manipulé sur Pigalle 62-27 lui confirme la trouvaille au 33 rue Blanche. Il s’y rend, décidé à l’observer, parler avec lui, humer ses habitudes, avant de lui planter son couteau dans le dos. Alors pour s’entraîner à filer sa proie, il marche au hasard et décide de suivre une jeune femme en imper jaune qui lui rappelle une actrice de film américain. Le soir, enfin, il retrouve sa proie dans une salle de billard où il parvient adroitement à se lier d’amitié avec ce fumier…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En tant que dessinateurs, Jacques de Loustal et Jean-Claude Götting partagent une même parcimonie. Une égale faculté, en somme, à laisser le trait prendre la place du clavier, pour faire de leur dessin un atout narratif de premier plan. Ils partagent aussi le goût du polar noir à l’ancienne. Celui qui emprunte par exemple les travées de Simenon. Ou celui qui se laisse si bien mettre en scène sur grand écran. Et d’ailleurs, pour cette première collaboration, l’un (Loustal) vous parlera de Rafles sur la ville (1958) avec Charles Vanel et Michel Piccoli, pour le décorum et le ton. Et l’autre d’Une étrange affaire (1981) avec le même Piccoli et Gérard Lanvin, pour le fil psychologique du récit. L’histoire proposée n’a en tout cas pas à rougir des références proposées. Et même si le déroulement ultra-classique du scénario limite un brin notre emballement, on se laissera facilement séduire par l’ensemble. Embarqués par un jeune auxerrois dans le Pigalle des années 50, nous laisserons alors le milieu interlope nous guider pour une histoire de vengeance habilement tisonnée. Le tout intelligemment confié à des personnages charpentés, des escroqueries savoureuses et un examen de la difficile frontière entre haine et fascination. Impeccable en tout cas pour laisser les regards expressifs posés par Loustal manger les planches. Dans un style unique, où couleurs, cadrages et élégance sont de mises, son dessin s’inscrit en parfaite osmose avec le sujet. Une belle manière de faire revivre une époque révolue au rythme d’un polar sans réel suspens, mais ficelé.
