L'histoire :
En novembre 1847, Abraham Stoker naît en Ecosse. Touché par la maladie et cloué au lit, le petit Stoker aime particulièrement les nuits où sa maman lui lit des histoires sur les légendes irlandaises, au sein desquelles le fantastique a la part belle. Comme par miracle, Abraham se lève de son lit à huit ans, totalement guéri. Suivant la voie de son père, Abraham devient fonctionnaire, mais il est bien plus passionné par les arts que par les comptes. Ainsi, il devient bénévole dans un journal local pour écrire des critiques théâtrales. C’est là qu’il rencontre l’acteur de théâtre Henry Irving. Fasciné par l’acteur britannique, Stoker ne tarit pas d’éloges sur le talent d’Irving. Ce dernier tient à rencontrer son admirateur. Il lui propose de le suivre à Londres pour devenir son associé, car il veut acheter le théâtre Lycéum. Le père de Stoker s’oppose certes à cette vie de bohême, mais il meurt en 1876. Plus rien ne s’oppose désormais au départ de Bram Stoker. Celui-ci épouse la belle Florence, puis part rejoindre Henry Irving à Londres. Cependant, il n’imagine pas que sa nouvelle vie va devenir un véritable enfer aux côtés de l’acteur ombrageux, surnommé le gouverneur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Yves H. continue ici son exploration du célèbre Dracula. Après avoir étudié la vie du sanguinaire Vlad Tepes (de la dynastie des Dracul) dans le tome 1, le scénariste se consacre désormais au créateur du fameux vampire, Bram Stoker. On s’attend donc à une biographie de l’auteur et aux sources de ses inspirations…mais Yves H. surprend d’emblée en adoptant un ton fantastique. En effet, il émet une hypothèse osée et incroyable : Bram Stoker est véritablement hanté par l’influence d’Henry Irving et devient son esclave. Cependant, le fils Hermann va encore plus loin : Irving est en fait Dracula, personnage cruel et rusé, qui pompe l’énergie de son assistant jusqu’à la dernière goutte. Le lecteur assiste déconcerté à une mise en abyme sidérante : la vie de Bram Stoker est en fait exactement celle de son roman Dracula. Même les personnages secondaires ou certains évènements réels font échos au livre. Le procédé est d’autant plus vertigineux que Bram Stoker ne pourra se sortir de l’étreinte démoniaque d’Irving qu’en écrivant… Dracula ! Cette hypothèse peut paraître farfelue, mais la biographie de Bram Stoker précise bien qu’il a entretenu des rapports fusionnels avec Irving et que ce dernier était un tyran avec son entourage (il s’est véritablement inspiré de la personnalité de l’acteur et de son charisme pour créer la figure de Dracula). Cependant, Yves H. en fait une véritable histoire de possession et la vie de Stoker tourne alors au tragique et au sordide. Avec les dessins sombres et crépusculaires de Séra, le pauvre Bram Stoker devient un véritable martyr, victime d’Irving et de son entourage. L’ensemble est noir, comme si l’on revivait les débuts du roman, où Jonathan Harker tombe sous la coupe de l’étrange comte Dracula et se sent oppressé de toute part. Yves H. ne cesse d’ailleurs de faire des parallèles entre des passages du roman et la vie de son auteur : régulièrement, les citations éclairent son propos en montrant la ressemblance troublante entre la réalité et la fiction. Même si là aussi, le procédé est souvent un peu forcé (les chiens de l’acteur seraient les loups de Dracula !), il a le mérite de replonger dans une œuvre retentissante. Yves H. a souvent le défaut d’être trop bavard dans ses encadrés et tombe facilement dans l’érudition, mais son projet est ambitieux et rend véritablement hommage au créateur de Dracula et à son œuvre. Cette volonté folle de faire de Stoker une victime du vampirisateur Henry Irivng fonctionne surtout grâce au talent de Séra. Son dessin inquiétant et anguleux utilise des couleurs quasi monochromes, entre noir et gris, renforçant la noirceur du récit et du piège dans lequel Stoker tombe. Des touches de rouge apparaissent, ça et là, comme des giclées de sang, sur le visage de Henry Irving… Une biographie peu banale qui s’adresse aux amateurs éclairés du mythe.