L'histoire :
A Barcelone, en 1946. Dans un quartier tellement pauvre qu'on l'appelle Barrio Chino, alors qu'on n'y a jamais vu un asiatique... Le commerce du sexe et de l'alcool en sont les seules richesses, si on excepte les centres sanitaires destinés à soigner les syphilitiques et autres infectés par des maladies sexuellement transmissibles. Chaque jour, une petite fille connue de tous les badauds, Pepita, est priée de se mettre au balcon pour reprendre un air de la fameuse cantatrice Lola Flores. Et à chaque fois, c'est la même ritournelle : le peuple réserve une ovation à cette gamine qui véhicule d'incroyables émotions. Oui mais voilà : quand Pépita finit son récital et regagne l'appartement de sa mère, où vit aussi sa grand-mère, le maquillage et les jupes tombent : c'est bien José Gonzalez qui vient de se donner en spectacle. Tout petit déjà, sa famille le sait : ce gamin a des dons exceptionnels, et ce sera un grand artiste...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Carlos Jimenez est un des maîtres de la BD espagnole, dont le talent a été internationalement reconnu et primé à divers reprises, y compris à Angoulême. Ce qui a motivé cette biographie, c'est l'indifférence totale de son Espagne natale au décès de Jose Gonzàlez, dit Pepe. Pour vous aussi, c'est un anonyme ? Et si on vous dit Vampirella, ça vous rappelle bien quelque chose ?! Jose Gonzàlez en est le créateur, mais c'était surtout un surdoué du dessin, autodidacte qui plus est, qui a pris un malin plaisir toute sa vie à fuir le succès. Un type qui n'avait pas besoin de photos pour dresser des portraits d'un réalisme stupéfiant. Il avait fait son dada à croquer Marylin Monroe, en ayant produit probablement des centaines de dessins qu'il donnait à qui en voulait. Un homme doté d'un talent artistique hors du commun, à l'instar de sa personnalité. Capable de s'improviser chanteur en plein époque yéyé, il aurait pu aussi être une sorte de Johnny Halliday espagnol, mais il se lassait des contraintes aussi vite qu'il s’enivrait de libertés. Une large partie de ce premier tome est donc consacrée à sa psychologie, rendant le personnage attachant. Exubérant, oui, mais jamais dans la frime. La découverte de son homosexualité, dans une Espagne où l'être justifiait la prison et tous les bons traitements promis par le régime franquiste, en fait aussi un personnage subversif. Cet hommage à sa personne crée rapidement un intérêt à sa lecture, même si certaines anecdotes prennent une place qui aurait pu être moindre. Mais on ne va pas bouder son plaisir, ce serait idiot de passer à côté de cet album, qui s'achève par un cahier où l'on peut se délecter de dessins de Pepe, qui vous laisseront baba...
