L'histoire :
Le premier truc à faire quand on est prof, c’est d’arriver à l’heure le jour de la rentrée. Là c’est raté… Le deuxième truc à faire, c’est de connaitre sur le bout des ongles son emploi du temps. Et Là c’est encore raté… Et du coup, ça aurait évité qu’en croyant être en retard, on était arrivé une heure avant tout le monde… Fifi rempile donc : prof de dessin et de BD dans une école d’arts. Tout est difficile quand on est prof. Déjà, il y a l’exercice pénible des épreuves d’admission. Pas facile de dire (et de bien le faire surtout) à un prétendant, qu’il n’est pas fait pour ça. Imaginez les mecs qui ont examiné la candidature d’Adolf Hitler aux beaux-arts de Vienne, s’ils avaient su ce que leur refus aller impliquer… Et encore, ce n’est qu’un début. Après, il y a la première heure de cours. La check-list obligatoire, « braguette fermée ; pas de crotte de nez qui dépasse ; pas de tache ; pas d’haleine de chacal », avant chaque rencontre. Mais surtout cette lancinante injonction avant tout jugement, critique, évaluation, conseil ou mot prononcé : « Sois pédagogue ! Sois pédagogue ! Sois pédagogue… ». Sois pédagogue ! Même si tu as affaire à une bande de crétins mous, dont le boulot est proche du nullissime absolu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si certains sont prompts à livrer leurs carnets secrets, de voyages, intimes et tutti quanti, histoire de faire des vagues, de faire rêver ou à mort, nous exciter, Fifi se la joue dans une toute autre catégorie. Ses Carnets à lui s’emplissent simplement de vie quotidienne. Celle d’un presque lambda, juste un peu différent parce que touché par la baguette de la fée-dessin et distillant son art à des étudiants d’une école spécialisée dans la BD. Outre le ton auto-bio-intimiste servant à distiller des tranchouillettes de ce sacerdoce, c’est plus globalement celui de l’humour et de l’autodérision qui est joliment manié. La voix off, sorte de petite conscience interne dénuée de toute hypocrisie et de diplomatie, rythme avec beaucoup de saveur chacune des saynètes (entre 1 et 8 petites planches). L’art de la chute est, quant à lui, un peu moins maitrisé et les situations évoquées servant de support peinent peut-être un chouya à se renouveler. Mais il faut reconnaitre que dans l’exercice consistant à décliner le rapport prof / élèves, d’autres s’en sont nettement moins bien tirés, ne réussissant à nous intéresser qu’à moitié. Ici, outre le jeu du décalage ou celui des antagonismes ancestraux entre parties belligérantes, c’est surtout la capacité de recul prise par le « prof » qui est judicieuse. Car au fond, hormis la différence générationnelle, Fifi démontre qu’il est (ou était) exactement comme eux : une machine humaine (avec ses doutes, ses rêves, ses envies et ses multiples travers) simplement. Et c’est peut-être d’ailleurs là le premier champ à investir pour aborder la pédagogie.