L'histoire :
Sous la forme d'un reportage graphique, le festival d'Avignon dans toute sa folie et tous ses états, le temps d'un été. Arts vivants, performances musicales, grèves ou manifestations, théâtres urbains improvisés, récitations de poèmes, collages d'affiches, performances collectives, ready-made, soliloques, combats de samouraïs... Le festival off d'Avignon est un joyeux territoire de liberté, de nature à laisser s'exprimer l'inexprimable, pourvu que le message soit un tantinet intello, loufoque ou absurde... A Avignon, on a le droit à l'histoire du communisme racontée par les malades mentaux (Matei Visniec), à des accouchements sur caddies de supermarché dans Orgie Tolérance (Jean Fabre) ou encore à la dame qui fabrique 37 cocktails molotov par jour (Matei Visniec). Bref, Avignon parle de la vie, du rapport au monde des individus qui, par le simple fait d'exister ou de déambuler dans les rues, jouent déjà leur propre pièce. Et si la vie, avant même d'avoir commencé, n'était qu'une vaste pièce de théâtre en trois actes ? Il fallait bien quelques strips pour comprendre ce destin farceur, présenté sous la forme d'un miroir nommé Avignon...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Célèbre caricaturiste devenu un des piliers de magazines satiriques tels que Hara-Kiri ou Charlie-Hebdo, Willem capture chaque été des scènes du festival d'Avignon pour le journal Libération. Sous la forme d'une compilation de strips satiriques, insolites ou poétiques parus entre 1998 et 2010, Willem donne à voir le festival dans toute sa nudité au cœur de la fièvre estivale. Sauf que Willem, lui, préfère se concentrer sur le festival off, celui qui ne bénéficie pas de la programmation officielle. Rues, trottoirs et théâtre improvisés offrent ainsi des scènes fugitives un brin loufoques, tout en accueillant une myriade de spectacles tous plus improbables les uns que les autres. Difficile à résumer, Avignon montre la face cachée d'un festival finalement plus démocratique qu'on ne le croit, en tout cas riche en scènes hors du temps et de l'espace : ici du théâtre taïwanais muet, là une grève des intermittents, plus loin une performance digne du cinéma russe, Das System de Falk Richter qui dure 5 heures (le public tient en général une heure !). Préférez picorer dans le recueil, plutôt que le lire comme une BD classique, car le passage de la publication quotidienne à celle du livre opère mal. Malgré son humour et un bel effort de mise en scène, l'ouvrage peut paraître en effet répétitif, voire même inégal. Et si l'intérêt d'Avignon ne saute pas tout de suite aux yeux, le livre est avant tout une invitation « à fantasmer et rêver une ville qui transforme le temps d'un festival chaque passant en comédien et chaque comédien en héros ». Ou quand le simple badaud, démasqué, devient l'acteur héroïque de son propre spectacle...
