L'histoire :
Aux marges de l’empire romain, un simple esclave va usurper l’identité de son maître, Publius Cimber, après sa mort. A qui voudra l’entendre, il se proclamera désormais « Chevalier romain de haute lignée, de naissance libre et lettré ». Il conçoit alors le projet fou de délivrer d’un bloc de glace l’amour de sa vie. Figée, pétrifiée, impassible, elle va devenir le moteur de sa quête identitaire et nourrir son idéal d’amour parfait. Confronté au chaos, à la violence, à la solitude de l’âme en peine, l’esclave devenu noble se lance de manière éperdue et désordonnée, à la recherche de son identité et d’une vérité en constante recomposition. Publius Cimber, en écorché vif, aspire à la reconnaissance de ses pairs, à l’amour réciproque et à l’enchantement perpétuel, dans un monde matériel qui ne lui offre que violence, cruauté et illusions. Il ne lui reste alors plus que la transcendance de son idéal comme ressort pour vivre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Blutch n’est plus à présenter (Mitchum, Blotch, La Beauté, Sunnymoon…), il est une figure majeure du 9e art ! Le festival d’Angoulême s’en est souvenu au moment de lui décerner le Grand Prix du festival en 2009. La réédition de son œuvre majeure chez Cornélius (cette édition propose une nouvelle numérisation effectué à partir des originaux) nous donne l’occasion de (re)découvrir un auteur et un style hors normes. En effet, tous les albums de Blutch ont en commun de révolutionner le médium BD en en modifiant ses codes. C’est à la fois l’atout et le défaut de Blutch, cette absence d’identité graphique stable et reconnaissable (qui lui donne par ailleurs une grande liberté en termes de création). Dans Péplum, le graphisme se révèle grandiose et dansant, en raison d’un style épuré et léger. Les décors, dépouillés de tout superflu, mettent en avant la poésie de ce récit lyrique. Le trait est par ailleurs vif, spontané, dynamique, toujours en recherche, à l’image du héros Publius Cimber. En outre, ce conte ineffable vient se nicher dans un magnifique écrin cartonné dont seules les éditions Cornélius ont le secret, hissant cet objet esthétisant au rang d’œuvre d’art. Cet effort de l’éditeur permet de sublimer le travail de Blutch. Au final, nous tenons entre les mains une œuvre singulière, authentique, un brin expérimentale et inattendue. Blutch nous conforte dans l’idée rassurante selon laquelle il ne cèdera jamais aux sirènes de la rentabilité. Péplum est une invitation courageuse à la réflexion et à l’enchantement. De cette surprenante alchimie émerge une œuvre inclassable et sans précédent. Bravo.